Nous remontâmes à cheval, et nous nous retrouvâmes
bientôt après de l’autre côté de la rivière,
avec le gouverneur qui n’avait pu , à cause des chemins,
nous suivre jusqu’à la ferme, et qui n’avait pas
voulu abandonner sa calèche pour faire le reste de la
route à pied. A notre retour à l’hôtel du gouvernement
un excellent dîner nous fut servi. Nous n’étions
que huit convives, mais quarante personnes auraient
pu facilement tfouver dans le menu du repas
de quoi assouvir leur faim. Si cette abondance faisait
honneur à la générosité du gouverneur, d’un
autre côté le sans-façon de son hospitalité, l’abandon
de l’étiquette donnèrent à cette réunion un charme
que nous n’avions guère rencontré chez les riche?
dominateurs de l’Inde et de la Malaisie, même
quand ils nous recevaient avec la plus grande simplicité.
Dans la soirée, tous les officiers de la marine coloniale
et de la milice de Samboangan ayant en tête le
sergente mayor de la place me furent présentés, tous,
à l’exception du sergente , étaient métis ou Indiens
d’origine. Parmi eux, je remarquai beaucoup de
vieillards très-âgés. Tous étàiènt en uniforme : je ne
m’attendais guère à trouver dans Samboangan un
état-major si nombreux. Mais les Espagnols payent si
peu ces officiers qu’ils peuvent facilement multiplier
les grades sans augmenter beaucoup les dépenses. On
m’assura que le mieux rétribué parmi eux ne touchait
que huit piastres par mois. En cela, comme en
toute autre chose, cette colonie diffère beaucoup de
DANS L’OCÊANIE. 221
celles des Anglais et des Hollandais. Nous ne rentrâmes
à bord qu’à une heure déjà très-avancée de
la soirée.
Le lendemain je passai presque toute ma journée
à ma correspondance. Le. navire anglais avait remis
à la voile la veille ; mais les Espagnols m’avaient assuré
qu’ils communiquaient facilement avec Manille,
et dès lors je m’occupai d’un rapport détaillé dans lequel
je faisais connaître au ministre de la marine les
derniers travaux de l’expédition, afin de le .laisser au
gouverneur pour qu’il , le fît parvenir en Europe. Je
profitai aussi de. notre séjour sur la rade pour en faire
lever un plan très-détaillé. M. Coupvent en fut chargé.
Le canot-major de la Zélée fut mis à sa disposition
dans ce but. M. Gervaise dut en même temps recueillir
avec le canot de Y Astrolabe quelques sondes
au large, destinées à compléter le travail confié à
M. Coupvent.
Je ne descendis à terre qu’après mon dîner. M. Jac-
quinot m’accompagna dans une promenade délicieuse
que nous fîmes dans les environs de la ville. Nous rencontrâmes
sur notre route le curé de Samboangan;,
homme doué d’une grande instruction et d’une tolérance
bien entendue. Nous passâmes quelques instants
agréables avec lui. Il m’assura qu’il existait dans
l’intérieur de Mindanao, dans le N. E. de l’île, une
race d’indigènes remarquables par leur petite taille et
d’un caractère très-doux : ils ne vivent guère.que de
racines ; j’aurais bien désiré voir un individu de cette
espèce d’hommes, mais il n’y en avait pas à Samboan-
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