et si le quartier Malais m’a laissé un souvenir, je puis dire que celui
des Chinois m’a vivement intéressé.
Mais revenons à notre sujet, et disons que la population générale
de Batavia peut aller à 60,000 âmes, sans compter la
garnison dont le chiffre, peu connu d’ailleurs, varie trop souvent
pour entrer en ligne.
Sur ces 60,000, on peut compter 4,000 Européens, 20,000
Javanais ou Malais, 30,000 Chinois, et 6,000 esclaves et
Arabes.
Les monuments les plus remarquables sont, dans la vieille
ville, la douane, les magasins de la marine, les entrepôts en
bois destinés^à renfermer les récoltes de café.
On peut encore citer une porte ou espèce d’arc de triomphe,
qui fait face à la ville , et qui n’est qu’un beau reste de l’ancien
château démoli par le gouverneur Daendels.
Dans la nouvelle ville, on remarque le château de Waltevreeden
dpnt j’ai parlé plus h a u t, la bourse, la maison de la société de
commerce , enfin l’Harmonie , grand et magnifique monument,
dont la fondation s’associe volontiers avec le souvenir du gouverneur
général Daendels.
De même que j’ai engagé tout voyageur curieux à faire une
promenade dans le quartier Malais, à Mystern-Cornlis, de
même aussi je lui conseille une course dans celui des Chinois,
comme une des choses les plus intéressantes à faire quand on
vient à Batavia.
Dans la journée, le campong chinois n’est qu’un vaste ^assemblage
de maisons plus ou moins bien construites. Une grande
rue le coupe en deux parties égales dans le sens de sa longueur $
çà et là on aperçoit de petites places ou marchés qui servent
de ronds-points à une infinité de ruelles étroites et obscures ;
parmi lesquelles il est difficile de circuler sans perdre le fil de
ce labyrinthe. Chaque maison chinoise est un magasin ; quel-;
ques caractères écrits au-dessus du fronton de la porte d’entrée
vqus indiquent la nature du commerce qui s’y fait : on peut
d’ailleurs s’en assurer soi-même, en interrompant sans cérémonie
la gravité de ce bon gros père chinois , qui, avec ses lunettes
sur le nez , cherche dans ses livres de compte s’il n’a pas
oublié quelque débiteur arriéré.
Dans la journée, vous ne voyez que ce va-et-vient continuel
de gens qui circulent sans tumulte , sans bruit, pour des affaires
d’intérêt et d’argent. Quelques Européens , plusieurs jolies
créoles peuvent s’y rendre dans leurs équipages pour faire des
emplettes ou conclure des marchés plus importants , mais en
somme on trouvera que l’animation manque dans cet ensemble,
quand on aura vu ce même quartier, cette même population
pendant les premières heures qui commencent une belle nuit
de Batavia.
Oh! alors la scène change d’aspect, le grand commerce ste
retire de l’arène pour faire place à la petite industrie : le riche
négociant se renferme dans son atrium de luxe, ët pendant qu’il
s’endormira en rêvant une augmentation de bien-être , Ses ouvriers,
ses commis, iront oublier pendant quelques heures les
fatigues de la journée.
Le .campong chinois s’illuminera aloi's de mille torches résineuses
; des marchands ambulants, avec leurs deux plateaux
suspendus en équilibre aux extrémités d’un balancier dont le
point d’appui sera leur épaule, inonderont les places, les rues,
les carrefours. Eclairés par un lampion fumeux, mais aromatique,
ils vous offriront des fruits, des sucreries, des pâtisseries
de toute sorte.
Ces maisons, basses et irrégulièrement bâties, qui bordent de
chaque côté les ruelles étroites du quartier, s’ouvrent alors à
deux battants ; des lanternes en papier peint,. des lampes aux
formes bizarres éclairent èés rues tout à l’heure silencieuses, et
vous voyez autant de restaurants où vous pouvez vous reposer
à votre aise, manger selon votre plaisir : tout cela est propre, a
v it . H p