toujours prêts à attaquer les Indiens qui, sans force
et sans escorte, s’aventurent à dépasser les limites du
territoire espagnol. On nous assura qu’il s’était
écoulé déjà plus de vingt ans depuis l’époque où
quelques-uns de ces sauvages ont été vus dans l’établissement.
Tous les Indiens de Samboangan sont chrétiens,
mais j’ai été fort surpris de voir combien ces hommes
étaient peu religieux de fait. « Ce serait à tort que
Ion croirait, dit M. Dubouzet, que ces hommes vr-
vent sous le joug des prêtres, il n’est pas de pays où
on jouisse de plus de liberté de conscience que parmi
eux. A part les femmes, je ne vis presque jamais personne
dans les églises aux heures des offices, même
pendant les jours de fête, et on pouvait facilement
remarquer que les; femmes qui fréquentaient l’é-4
glise n’avaient d’autre but que celui de faire voir
leurs habits, car elles n’y paraissaient qu’après avoir
fait toilette. »
Depuis longtemps les Espagnols vivent à peu près
en paix avec le sultan de Mindanao, ët tous les datous
de la confédération des Illanos. lié font le commerce
avec les divers ports de l’île et les habitants de Bas-
silan, à la faveur des traites qu’ils ont conclus avec ces
différentes peupladesindépendantes; toutefois ils sont
constamment sur leurs gardés contre les agressions
de ces voisins qui, souvent oublieux dés traités qu’ils
ont signés, se présentent quelquefois sur la côte
avec leurs praos et enlèvent quelques malheureux
pêcheurs isolés qu’ils vendent ensuite comme esclaves.
Pour se garantir contre les forbans les Espagnols
ont établi une série de corps de garde sur la côte, entièrement
semblables pour la construction à celui que
j’avais vu à la ferme de la Toumanga et dont j’ai déjà
donné la description. Ces petits postes retranchés ont
aussi pour but dé servir de lieux d’observation, et de
prémunir contre les attaques des pirates les caboteurs
deLuçon, qui chaque année parcourent la côte. Ceux-
ci achètent sur leur route la nacre, le tripang, l’écaille
de tortue; quelque borné que soit ce trafic , les bénéfices
en sont considérables à cause du défaut de
commerce. Jusqu’ici la crainte de rencontrer des
pirates a éloigné de ces côtes les industrieux Bou
guis; bien qu’aujourd’hui le sultan de Mindanao et
les datous Illanos soient si faibles et si pauvres, qu’ils
ne peuvent plus que bien rarement tenter quelque
excursion pour se livrer à la piraterie.
, |Le territoire dépendant de Samboangan est peu
étendu, il s’arrête au pied des montagnes, à quelques
milles du rivage de la mer, mais il comporte une
plainedes plus riches, parfaitement arrosée ; il devient
fort inutile pour les habitants d’étendre leurs possessions
au delà des limites actuelles, car une grande
partie des terres qu’elles enveloppent est encore
inculte, et non défrichée. Les Indiens renoncent difficilement
au repos pour se livrer aux travaux pénibles
de l’agriculture au delà de ce qui est nécessaire
àleur nourriture ; cependant les conditionsauxquelles
ils obtiennent la propriété du sol sont des plus
douces. Chaque individu peut prendre du terrain au