liaient le plus vif intérêt, et nous nous mîmes tous ensemble,
suivant l’habitude, à deviser sur son avenir, malgré le peu de
données que nous avions pour cela. Don Carlos ne comptait
parmi eux aucun partisan, et chacun d’eux s’exprimait sur son
compte avec cette liberté d’opinion qu’on ne rencontre guère
que dans les colonies, où j’ai toujours remarqué combien l’indépendance
de l’opinion y contrastait avec la dépendance à laquelle
les condamne leur position.
{M. Dubouzet.)
Note 23 , page 239.
La forteresse de Samboangan est un carré bastionné, assis sur
un terrain bas, à environ 50 toises du rivage, mais le fort, qui
est d’ailleurs très-mal armé, ne bat que très-obliquement le bon
mouillage, et n’empêcherait pas un débarquement au Nord de
la ville. Il a des murs en pierres, sans fossé : seulement les
fronts du Nord et de l ’Est sont protégés par le ruisseau canalisé,
qui les contourne, avant d’aller à la mer du côté de la
pointe Sud.
La face qui regarde la mer se prolonge vers le Nord de manière
à former contre le fort une nouvelle enceinte qui est complètement
ouverte du côté de l’Est, et en partie du côté du Nord.
Cette espèce de camp retranché, fort incomplet, servait peut-être
de refuge à la population du village et de la campagne, en cas
d’attaque de la part des forbans de Hôlo ou de Mindanao. C’est
dans le même but qu’une palissade s’élève le long de la mer pour
protéger le village.
Ce n’est donc point une véritable colonie que nous avons sous
les yeux ; c’est un simple poste militaire, établi sur la côte de
Mindanao pour contenir les peuplades féroces et belliqueuses
qui l’habitent, ou pour réprimer la piraterie. C’est un présidial
pour les criminels, et un lieu de relâche pour les vaisseaux. Si
tel est le but que se sont proposé les fondateurs de cet établissement
, il faut convenir qu’il est assez bien rempli, car la forteresse
qu’ils ont bâtie sur ce rivage suffit pour en imposer à
tous les forbans. Mais pour être en état de résister à des forces
européennes, il lui manque un fossé, un chemin couvert et
quelques .dehors, surtout du côté du Nord, qui est la partie la
plus faible. Les approches par le Sud et par'’ l’Est ne seraient
pas faciles, à cause du circuit de la petite rivière et du terrain
marécageux qu’elle parcourt. Plusieurs postes ou vigies établis
sur le rivage et dans la campagne servent à surveiller les praos
malais et hôlos qui voudraient tenter un débarquement, ou les
tribus de l’intérieur. Ces vigies sont de grandes cages en bois der
19 à 20 pieds de-côté, perchées sur des poteaux de 10 à 15 pieds
de hauteur. Elles sont occupées pendant la nuit par quatre ou
cinq miliciens armés de fusils, qui seraient obligés de les évacuer
à la première sommation, sous peine de s’y voir brûlés vifs. Mais
les indigènes ne sont jamais assez entreprenants pour troubler la
douce quiétude des Espagnols, en s’avisant d’allumer un fagot de
paille sous ces guérites aériennes.
Le village construit en lattes de bambou, à la façon malaise,
se déploie sur quatre rues parallèles au rivage, au Nord de la
forteresse dont il est séparé par une esplanade sans arbres. Le petit
canal formé par les eaux de la rivière n’a que sept à huit pieds de
large. Il contourne le village par le Nord et l’Ouest et se replie
ensuite pour embrasser la forteresse; entre celle-ci et le rivage se
trouve une large baraque, partie en planches, partie en maçonnerie
, pour loger les prisonniers qui sont en petit nombre.
Il u’existe à Samboangan d’autre construction en pierres,
qu’une petite église située à l’extrémité du village.
Les montagnes sont couvertes de forêts qui fournissent le
teck, et plusieurs autres bois de construction. Le cannellier y
croît aussi sans culture , mais son écorce est moins aromatique
'que celle de Geylan. Les torrents charrient de la poudre d’or