Note 21, page 239.
Le lendemain, sur les huit heures du matin, VAstrolabe fit
un salut de vingt et un coups de canon qui lui fut rendu immédiatement
, et en égal nombre, par la forteresse espagnole ;
aussitôt après, je descendis à terre avec le commandant d ’U rv ille ,
et nous rendant d’abord chez M. le lieutenant de vaisseau de
la C ru z , commandant de la marine, nous le priâmes de nous
accompagner chez le gouverneur, à quoi il se prêta de la meilleure
grâce du monde. Cet officier était allé la veille offrir ses
services au commandant, et s’était mis entièrement à sa disposition
5 nous pûmes nous convaincre bientôt que ces offres
étaient faites de coeur, et durant notre séjour, il nous combla
de politesses et d’honnêtetés qui ne se démentirent pas uri seul
instant, et qui nous pénétrèrent pour lui d’un sentiment de reconnaissance
dont le souvenir ne s’effaeera jamais de notre mémoire.
Son second, M. A ch a , officier du même grade, ne fut pas
moins attentionné pour toutes les personnes de l’expédition, et
acquit tout autant de droits à notre amitié.
Nous nous rendîmes chez le gouverneur don Manuel S a n z ,
lieutenant-colonel, et nous en reçûmes l’accueil le plus affable
que nous pussions désirer. Dès les premiers moments , il en agit
avec nous avec une aimable franchise, et il nous témoigna en
paroles et en actions tout le plaisir qu’il éprouvait à recevoir des
Français dans son petit gouvernement. Un" déjeuner était servi,
et nous acceptâmes l’invitation qui nous fut faite d’y prendre
part. La conversation ayant été amenée sur lê désir qu’avaient
Messieurs les naturalistes de parcourir les environs, M. Sanz
nous donna l’assurance que non-seulement ils pouvaient-explorer
à leur aise le territoire espagnol , mais même qu’il entendait
leur fournir des montures et des guides pour les aider
dans leurs recherches. On ne saurait réellement être plus empressé
qü’il le fut à notre égard dans toutes lés demandes que
nous pûmes lui faire ; souvent même il vint au-devant de no
désirs, et il chercha par tops les moyens possibles à nous rend
la relâche agréable : sa maison et sa table nous furent constamment
ouvertes, ses chevaux et sa voiture furent chaque jour à
notre disposition , et il poussa même les prévenances jusqu’à
envoyer à bord quelques provisions de Manille et d’Europe,
provisions qui pouvaient lui être nécessaires, mais qu il offrit de
manière â ne pouvoir être refusé. Généreux a 1 exces, et se
mettant constamment l’esprit à la torture pour nous être agréable,
ce bon colonel réunit, deux jours avant notre départ,
tous les officiers de l’expédition, les diverses autorités et notables
de la colonie, à un bal qui se prolongea très-avant dans la nuit,
et qui fut interrompu au milieu par une somptueuse collation à
laquelle chacun put- prendre part. De notre côté, nous fîmes
tout notre possible pour reconnaître tant de soins ; nous 1 invitâmes
à bord de nos corvettes et nous lui témoignâmes potri
reconnaissance par tous les moyens en notre pouvoir. Aux qualités
franches et chevaleresques, le colonel Sanz joignait un
jugement sain, de l’instruction et une grande facilité pour
s’exprimer et répondre aux questions que nous pouvions lui
adresser.
Lors de leur établissement sur cette partie de Mindanao , les
Espagnols la trouvèrent entièrement inhabitée : la population se
forma d’abord de gens qu’ils amenèrent dé Manille et s’augmenta
plus tard des individus qu’y laissèrent à diverses époques
leurs navires venant d’Apapulco et du Japon ; en sorte
que la race actuelle est un composé bâtard dont il serait impossible
d’assigner l’origine.
Si ce n’était la tendance naturelle que les habitants ont à
émigrer, pour suivre le penchant qui les porte à naviguer, la
population de Samboangan augmenterait dans une proportion