1899.
Juillet. dre la route que nous avions gagnée dans la journée,
aussi je m’empressai de laisser tomber l’ancre sur le
banc que nous avions rencontré, pour y passer la
nuit; la Zélée imita notre manoeuvre, elle avait sondé
aussi par quatre brasses-, mais elle avait pu mouiller
dans des eaux plus profondes ; quant à nous, nous
n’avions que trois pieds d’eau sous notre quille, mais
la mer montait, et je n’avais aucune inquiétude; bientôt,
en effet, le courant de flot s’établit avec une rapidité
effrayante ( trois noeuds et demi ).
Au jour, nous pûmes jouir du coup d’oeil vraiment
ravissant que la terre offrait de notre mouillage.
Devant nous s’étalaient les terres de Mindanao,
dont l’intérieur est garni par de belles chaînes montagneuses
, tandis que le rivage présente une jolie
lisière verte, agréablement coupée par le fort espagnol
la Caldéra, et les maisons blanches de Sam-
boangan ; derrière nous, et à petite distance, nous
apercevions tous les détails de l’ile sauvage de Bas-
silan, habitée par une population dont nous pouvions
juger le caractère, par ce que nous venions de
voir sur la rade de Solo. J’aurais remis à la voile dès
le matin, si nous n’eussions eu encore les courants
de flot qui nous éloignaient du mouillage ; du reste, il
faisait calme : nous n’avions donc rien de mieux à faire
qu’à attendre des circonstances plus favorables. Cependant
je profitai de ce moment pour envoyer à terre
un officier, M. Demas, chargé d’aller présenter mes
compliments au gouverneur de la colonie espagnole et
dele prévenir démon arrivée. Notrecanot, sur sa route,
se croisa avec une grande et belle chaloupe portant
pavillon espagnol, et qui accosta- Y Astrolabe une
heure après le départ de M. Demas. Cette jolie embarcation
portait 25 à 30 hommes d’équipage, commandés
par un officier. C’était une de ces felouquas,
embarcations de guerre, quele gouvernement de Manille
entretient à Samboangan pour réprimer les pirates
qui infestent ces parages. Elle était armée de
six pierriers et d’un canon de douze. Tous les matelots,
d’origine indienne, avaient une tenue excellente,
comme celle que l’on rencontre sur les navires
de l’État ; ils obéissaient à un maître d’équipage dont
le teint, quoique bruni par le soleil, laissait voir facilement
l’origine européenne.
L’officier qui avait amené cette embarcation vint
m’annoncer qu’il avait été envoyé par le colonel don
Manuel Sanz, gouverneur de la colonie, qui, jugeant à
notre manoeuvre que notre intention était de gagner
le mouillage et craignant qu’il ne nous fût arrivé
quelque accident en touchant sur le banc au-dessus
duquel nous flottions, me faisait toutes ses offres de
service et de secours ; je fus très-sensible à cette politesse.
J’obtins de cet officier quelques renseignements
sur le mouillage que je voulais prendre ; mais
lorsque je lui demandai de vouloir bien rester à mon
bord pour me piloter, il m’objecta avec raison que
son service exigeait qu’il retournât immédiatement à
terre pour donner au gouverneur une réponse qu’il
attendait. Bientôt, en effet, il nous quitta, et se dirigea
sur la ville, après m’avoir promis toutefois qu’il
1899.
Juillet