des bananes ; nous traversâmes cette multitude à l’aspect féroce,
au regard oblique, et q u i, pour une simple fantaisie ou pour
avoir le peu que nous avions sur le dos, nous aurait bien volontiers
taillés par morceaux, si la crainte des canons des corvettes
ne l’eût retenue, et nous nous enfonçâmes dans le bazar, grand
hangar couvert et construit sur pilotis ; des boutiques sales garnissaient
les côtés, et plusieurs centaines de brigands encombraient
le passage ; nous réussîmes, non sans peine, à sortir
de cette foule, et nous enfilâmes une longue série de ponts
qui nous conduisit au quartier chinois, isolé du reste de
la ville aquatique. Nous ne retrouvâmes pas là ce que nous étions
habitués à rencontrer chez» les gens industrieux et commerçants,
richesse et luxe ; au contraire, ils nous parurent assez misérables
et me firent l’effet des juifs dans le Levant, c’est-à-dire, de
gens comme ceux-ci, exposés aux avanies et cachant leur aisance
pour éviter le {tillage. Après avoir donné sur tous les points de
la ville des preuves souvent chancelantes de notre talent gymnastique,
nous revînmes chez Tahel en traversant le marché, et
peu après je retournai à bord pour ne plus remettre le pied sur
cette terre inhospitalière.
On estime moyennement la population totale de File à 60,000,
et celle de la ville à 6,000. J’emportai de Solo la conviction
quun seul bâtiment, en moins d’tine heure, détruirait complètement
cette ville, que l’on ne peut avoir vue sans s’étonner
que les puissances européennes, ayant des possessions voisines,
l’aient laissée debout. Je considère l’existence de Solo comme
une honte pour la civilisation.
( M. Montravel. )
Note 17, page 202.
Dans la ville de Sôog, aussi bien que dans les montagnes, le
sultan de Solo ne possède guère qu’une autorité de nom ; sa
mollesse et son incapacité en sont la cause; celui qui dirige les
affaires est le premier ministre, homme'que je soupçonne être
d’une origine espagnole; ce dernier paraît jouir d’une grande
considération dans le pays, et le sultan ne fait rien sans le consulter
tout d’abord ; on lui donne d’ailleurs des lumières et une
connaissance du monde au-dessus de sa position.
Il passe également pour être le plus grand propriétaire de
l’archipel ; sa fortune peut s’élever à une valeur de 150,000
livres à peu près. Le sultan, malgré ses possessions, est loin
d’être aussi riche ; il a étendu son autorité sur quelques points
de la côte N.-E. de Bornéo et sur plusieurs îlots. Les habitants
de ces divers pays lui payent un tribut, et il leur envoie
de temps en temps des bateaux armés pour le percevoir.
Les trois principales autorités delà ville de Soog sont le sultan,
son premier ministre et le capitaine du port. Ce dernier a une
influence presque égale à celle du second, et sa place est aussi
importante que lucrative ; c’est à lui que revient presque entièrement
le monopole du commerce étranger ; c’est encore lui qui
est chargé de toute la marine.
L’endroit que nous avions choisi pour faire notre eau était
assez remarquable ; il y avait là une façon de rond-point où venaient
aboutir deux petits sentiers qui se réunissaient aü chemin
de la ville, tout le long de la mer. Mais ce qui aurait pu servir
plus que toute autre chose à le faire reconnaître, c’était un vieil
arbre séculaire, tout crevassé et dont les branches noueuses
étendaient leur ombre protectrice, sur une petite colline de
sable; à quinze ou vingt pas de cet arbre, du côté de la villé et
sur la grève même, se trouvait la source de Y Astro la b e et de la
Z élée .
Ce site était aussi pittoresque qu’agréable ; çàetlà, tout autour,
croissait une partie de la flore du pays, qui fut dévastée, bien
entendu, par nos savants en histoire naturelle. A ces avantages,
cette position offrait encore celui de pouvoir être défendue, avec