1830.
Juillet. ment; il sert d’instrument aveugle à chaque datou
pour satisfaire par le meurtre et par la rapine ses
passions et sa cupidité. Chacun de ces datous habite
un quartier séparé où il est toujours entouré de ses
hommes d’armes qui font la garde jour et nuit autour
de sa personne. Cette défiance mutuelle est pour eux
le meilleur gage de sécurité , tant ils sont disposés à
tomber sur leurs voisins à l’improviste. Une société
ainsi organisée rappelle les époques barbares des premiers
temps de la féodalité. Les guerriers de Solo
ont la même manière de combattre qu’à cette époque.
La lance, le bouclier et la cotte de mailles sont
indispensables à leur armure, mais ce n’est jamais,
comme autrefois, un mobile d’honneur qui les fait
s’armer pour défendre la cause de la justice et de
l’innocence. Ces idées sont étrangères à un peuple
presque sans religion, car ce n’en est guère une que
le mahométisme sensuel et mal compris qu’ils sont
censés professer. Loin de mettre*un frein à la licence
des moeurs, le mahométisme, tel qu’ils le suivent,
porte au contraire aux plus grands désordres. Chez
eux, la femme est un être complètement dégradé ;
elle y est plus mal traitée que chez les peuples étrangers
à toute civilisation. On est étonné de voir les
Chinois s’établir au milieu d’un tel peuple. Ces hommes
industrieux font là comme partout le principal
commerce. Ce sont eux qui exercent presque tous
les arts mécaniques. Ils sont à là tête des affaires,
et il féut, en vérité , qu’ils possèdent à un bien haut
degré el talent de sé rendre utiles pour trouver
moyen de s’enrichir dans un pays où l’on n’a ni la
protection des lois, ni celle d’un pouvoir ferme, ni
la bonne foi politique.
» Quelque faible que soit l’autorité du sultan ,
chacun lui témoigne encore assez de déférence pour
que son titre soit envié de tous les datous,. Ce titre,
d’après les coutumes établies, est héréditaire dans la
famille actuelle qui est très-ancienne, mais l’hérédité
a besoin de l’élection pour être validée. Ce sont les'datous
qui sont investis de ce droit, et comme il existe
entre tous des liens de parenté avec la famille régnante,
l’ambition de chacun d’eux est excitée par leur
cupidité et par leur aptitude à succéder au trône.
Ce serait eux qu’il faudrait gagner si l’on voulait
exercer de l’influence dans l’île; mais leur jalousie
réciproque tend à les maintenir divisés, et
tant que cet état de choses existera, iLsera fort
difficile de traiter avec ces hommes,, de manière à
se réserver des garanties suffisantes, quelles que
soient les bonnes intentions de quelques-uns d’entre
eux.
» Du reste, ajoute M. Dubouzet, on ne saurait trop
se méfier de la mauvaise foi que ces hommes mettent
dans toutes les transactions de commerce. Us excellent
dans l’art de mêler le cuivre à l’or, et de tout
falsifier. Cette manière d’agir leur paraît conforme
au droit commercial et tellement naturelle qu’ils s’en
vantent au besoin. Heureusement aussi ils ont souvent
affaire à des hommes qui sont à même de leur en
revendre en fait de ruse de ce genre. Un des datous,