voulaient pas s’établir dans le pays, la piraterie renaissait tott-
jours, et leur île fut considérée pendant longtemps par les Européens
comme l’Alger de la Malaisie.
Les relations de commerce entre Soog et les Philippines sont
maintenant régulièrement établies depuis le traité fait il y a
quelques années avec le gouvernement de Manille. Le gouvernement
est accusé d’avoir fait beaucoup de concessions pour obtenir
la paix avec ces pirates, contre lesquels il ne voulait plus
faire d’expéditions. Malgré les traités lés bâtiments espagnols
qui viennent à Soog se tiennent toujours sur leurs gardes, ne
doutant pas que ces perfides insulaires ne manqueraient jamais
l’occasion de les enlever, s’ils pouvaient le faire sans rien risquer.
Le commandant de la flottille de Mindanao vient chaque
année, avec ses bâtiments, pour s’assurer si le traité n’a pas été
enfreint.
J’avais désiré, avant de venir à Soog, voir un de ces sultans
malais qui n’ont subi ni la conquête ni ces alliances comme en
imposent les Hollandais, qui y ressemblent beaucoup ; mais après
avoir vu la manière de vivre et d’agir de ces peuples livrés à
eux-mêmes, j’acquis la triste conviction que la perte de la nationalité
n’est pas toujours pour un peuple la plus grande calamité
qui puisse lui arriver; car si la population de Soog, qui vit
écrasée sous le joug de la plus affreuse oligarchie, eût subi
comme les peuples voisins l’influence de la civilisation européenne
, elle serait beaucoup plus heureuse et beaucoup plus
avancée qu’elle ne l’est aujourd’hui.
(M . Dubouzet. )
Note 15, page 202.
On évalue la population de cette île à 40,000 individus. Son
port principal est Bewan, et il en existe encore un autre dans la
partie N.-E. Le centre de l’île est occupé par une chaîne de montagnes,
dont les deux pitons principaux sont assez élevés et couverts
jusqu’aux sommets d’une belle verdure. Le pays est en général
bien accidenté, et il s’y trouve peu de plaines de quelque
étendue. Les vallées et les collines qu’on voit autour de la baie
offrent des cultures multipliées et des plantations dont l’aspect
est fort agréable.
Les habitants de Solo appartiennent, dit-on, à la grande famille
malaise, et sont inahométans. Mais ils nous ont paru d’un
teint moins brun , plus jaune, e t , s’il est possible, encore plus
laids que les Malais. Leur visage est large, plat, équarri, ignoble
comme celui des Malais : peut-être en diffèrent-ils un peu
par leurs yeux, qui semblent légèrement bridés, comme ceux
des Javans, mais beaucoup moins que ceux des Chinois. Ils
sont en général vêtus d’une large culotte qui descend jusqu’au
dessous des genoux, d’ün gilet et d’une veste ou casaque en
étoffe légère ; ils ont une ceinture autour des reins, ét un mouchoir
noué sur la tête, d’où flottent en désordre quelques mèches
de cheveux noirs ; leur coutelas ou criss, dont la lame droite ou
flamboyante a de 20 à 25 pouces de long, nè les quitte jamais.
Ces armes,, souvent remarquables par de belles incrustations en
argent et en or, sont pourtant d’une trempe très-médiocre. C’est
dans la beauté et la richesse de leurs armes que ces insulaires
semblent mettre tout le luxe qu’ils déploient au dehors ; car la
mise des chefs n’a rien de recherché, et l’on ne voit ici que des-
gens sales et déguenillés.
Ces insulaires ont de tout temps été adonnés à la piraterie ,
rançonnant tO H rà tour les Chinois, les Espagnols, les Hollandais
et même les Malais, sans égard aux liens de parenté qui les
unissent. La puissance des chefs de Solo s’étendait jadis sur la
plupart des îles situées entre Mindanao et Bornéo, et même sur
une partie de cette grande terre ; mais il paraît qu’aujourd’hui
cette souveraineté est à peu près nominale , puisque le sultan ne
règne que sous le bon plaisir des datous. Nous n’avons vu dans