» Le sultan était assis devant une table carrée faisant
face à la porte; il me parut avoir de quarante à
quarante-cinq ans. Un madras à carreaux rouges,
négligemment noué autour delà tête, laissait échapper
quelques mèches de cheveux noirs grisonnants. Son
costume se composait d’une veste flottante en étoffe,
de Chine qui laissait voir un gilet de soie fermé par
des boutons de pierres précieuses, un large pantalon
serré aux hanches, lui tombait à mi-jambes, sa figure
d’un jaune clair paraissait indiquer la souffrance.
Le maintien de cet homme était calme et grave.
» Je lui fis un salut qu’il me rendit gracieusement,
et il m’indiqua un siège en face de lui; le datou prit
place à sa droite, et avant de commencer la conférence
chacun alluma un cigare ; puis je lûi répétai
ce que j’avais dit à son ministre. Il ne témoigna aucune
curiosité, sa figure resta toujours grave et impassible.
Il ne me répondit jamais directement : à
chaque question que je Im posais, il ne répondait que
par quelques mots dits bien bas à l’oreille deson ministre.
Enfin, après lui avoir bien et dûment expliqué les
motifs de notre venue, je lui fis demander.s’il pouvait
nous donner une place pour y faire nos observations,
je n’obtins qu’un refus; de l’eàu, même réponse.
»Le peuple de Solo était, disait-il, fort méchant,
l’autorité des chefs ne suffirait pas à prévenir son désordre,
etc», etc.
» Mais le peuple de si formidable mine, n’était pas
si diable qu’il en avait l’air ; les habitants avaient peur
de nous, ils s’exagéraient notre nombre, la force de
nos navires ; la véritable, l’unique cause de ces refus,
n’était autre chose quelafrayeur qui travaillait le sultan
et son ministre, et l’idée, la fatale idée que nous
étions Hollandais. Enfin, après une audience d’une demi
heure, j’annonçai au sultan la visite du commandant
poür le lendemain et le quittai après avoir serré
la main du ministre ; mes quatre estafiers me reconduisirent
au canot, je les emmenai à bord, et ils purent
visiter le navire tout à leur aise. »
Ce rapport de M. Duroch me confirma les bruits
que j’avais recueillis à Sincapour sur le désir des habitants
de Solo de commercer avec les Français. Ce
voeu me paraissait du reste d’autant plus naturel,
que parmi toutes les nations maritimes dont les vaisseaux
marchands sillonnent ces mers , les Américains
et les Français sont les seuls peuples qui n’ont aucun
établissement dans l’archipel Indien * Les habitants de
Solo, très-jaloux de leur indépendance, et désireux
d’un autre côté d’établir des relations commerciales
nécessaires à leurs besoins, devaient de préférence
s’adresser aux Européens dont lès envahissements ne
leur ont jamais donné aucune crainte en menaçant
leur liberté. Toutefois, d’après ce qui était arrivé à
M. Duroch, je pus me convaincre que le sultan jouissait
de bien peu d’autorité sur ses sujets ; et dès lors
je pus prévoir qu’il serait bien difficile à nos nationaux
de pouvoir jamais établir des relations suivies
de commerce avec un peuple renommé pour ses brigandages
, et qui ne reconnaissait d’autres lois que