terrain neutre servant de rendez-vous aux sujets de tous les
peuples de la terre, qui sentent le besoin de pouvoir manifester
ouvertement leurs croyances et leurs opinions , et de conserver
même leurs préjugés, et qui ne peuvent jouir pleinement de
cette douce liberté, nulle part, sans porter ombrage à la tyrannie
de leurs gouvernements ou à la tyrannie mille fois plus pesante
et plus odieuse dés masses ignorantes, qui, quand elles se sont
assimilées une fois par hasard l’idée des ambitieux qui les dirigent
, se passionnent pour elle, et veulent l’imposer a tout le
monde.
Nous apprîmes à Singapour qu’on avait trouvé dans l’île , en
creusant pour faire des routés, de petites médailles anciennes qui
annoncent, ainsi qu’une inscription trouvée près de là batterie
du fort, qu’avant l’arrivée des Malais qui ont précédé les Anglais
sur cette île, il y a eu autrefois un comptoir d’un peuple
anciennement civilisé. La nature des Caractères fait supposer
que ce comptoir appartenait aux Birmans. La tradition du pays,
dont l’authenticité est suspecte, prétend que la pierre appelée Ba-
tou-toulis dont il est question, sert à perpétuer lé souvenir d’une
lutte entre deux athlètes qui devaient lancer cette pierre le-plus
loin qu’ils le pouvaient de l’autre côté du bras de mer qui forme
le port, et le nom du vainqueur serait, ajoute-t-ori, inscrit dessus.
L’empreinte de cette inscription a été envoyée'à la Société royale
de Londres, et on attend d’elle aujourd’hui une explication. •
Nous eûmes pendant notre séjour dans cette ville l’occasion
de connaître et d’apprécier un digne évêque français, qui, bien
que titulaire de l’évêché dé Siam, se trouve forcé de résider à
Singapour. Cet évêque est M. l’abbé de Courvoisier, évêque de
Nilopolis; dans ce pays tout de luxe, sa modeste demeure qui
surpasse en humilité celle du plus pauvre marchand du pays,
a un caractère tout évangélique ; il est assisté par un jeune missionnaire
,e t fait souvent des tournées à Malaca et à Sintang,
où le nombre des catholiques est assez grand 5 ces villes sont
toutes les deux du ressort de son évêché; nous apprîmes, malgré
quelques petits désagréments qu’il avait eus avec des Anglais hautains,
qu’il était en général très-considéré de tout le reste de la
population, qui l’avait aidé sans distinction de cultes à faire élever
dans très-peu de temps une jolie petite église qui le met
aujourd’hui de niveau avec toutes les autres communions chrétiennes
établies dans la colonie. Les habitants de Singapour
avaient montré dans cette occasion ce rare esprit de tolérance
et de liberté qui les caractérise, et il n’est pas un Chinois aisé
ou un Hindou qui lui ait refusé son offrande.
. {M . Dubouzet. )
Note 9, page 100.
Toutes les jonques chinoises profitent de la mousson favorable
pour retourner à Canton, il n’en reste plus qu’une qui
travaille depuis deux jours pour changer de mouillage: enfin,
après nombre d’efforts, cet informe navire est venu jeter près de
nous ses deux ancres de bois. Nous avons voulu profiter de l ’occasion
pour rendre visite â nos voisins- chinois, et examiner de
près la charpente d’une jonque, qui, sans contredit, est ce que
l’homme a pu enfanter déplus original; cette jonque n’avait
guère moins de 100 à 110 pieds de longueur de tête en tête, sur
une largeur d’environ 30 pieds au maître bau : sa carène, à fond
aplati, est assez solidement construite, et renforcée par deux
fortes préceintes très-tonturées, dont la hauteur au-dessus de
la flottaison n’est que de 3 à 4 pieds au milieu, mais qui aux extrémités
s’élèvent à près de 8 pieds au-dessus de l’eau. Ce navire n’a
ni taille-mer, ni étrave ; la partie antérieure est absolument plate
et formée parle bordé du coltis, dont le plan légèrement incliné
sur l’avant donne un élancement d’environ 3 pieds; la largeur
du coltis à la flottaison peut avoir 3 pieds, et son ouverture dans
les hauts est de 10 à 12 pieds; une lisse de fortes dimensions réunit