par des pieux avancés, qui ne garantissent qu’imparfaitement
de la violence des lames les embarcations
qui s’engagent entre elles. Il existe encore une
barre à l’entrée de ce passage, et quand les vents
viennent du large, la mer s’y brise avec force, il
faut redoubler de précautions pour ne pas chavirer.
Le trajet des embarcations, sur ce canal, lorsqu’il
se renouvelle souventÉ est presque toujours fatal
aux Européens; à marée basse, il s’en échappe des
exhalaisons méphitiques qui contribuent beaucoup à
donner ces fièvres si tenaces qui ont fait à Batavia
une réputation méritée d’insalubrité; généralement
on emploie à ce service des Malais qui, habitués à
vivre sous ce soleil brûlant, sont moins sujets aussi
à contracter les maladies auxquelles peu d’Européens
pourraient échapper.
Il y avait près de deux heures que nous avions
quitté nos navires, lorsque nous arrivâmes au bâtiment
de la douane, établi sur le canal, à l’entrée de
la ville basse; nous prîmes terre sous un hangar assez
vaste où nouspûmes enfin nous abriter des .rayons
qu’un soleil brûlant dardait sur nositêtes.’ Au moment
où je cherchais une voiture, je,fus accosté par
un cocher malais, parlant bien français ; cet homme
me présenta, delà part de MM. Lanier et Borel, négociants
français établis à Java, une jolie calèche,
attelée de deux chevaux,.-et destinée à notre usage.
En môme temps, il m’assura que ces messieurs, ne
pouvant venir eux-mêmes nous recevoir au débarcadère
, nous priaient de vouloir bien descendre chez
eux, et de disposer de leur maison pendant tout notre
séjour sur la rade.
Batavia comprend deux parties parfaitement distinctes,
l’ancienne ou basse ville, dont les habitations
sont entassées les unes sur les autres, à la mode
de nos cités européennes : c’est la partie commerçante.
Le canal la sillonne, dans tous les sens ; elle
est la plus rapprochée de la rade, mais elle est aussi
la moins salubre et la moins agréable. C’est dans
cette partie que se trouvent toutes les maisons
de commerce, mais en outre les négociants opulents
ont de superbes habitations dans la haute ville, où
ils établissent domicile, etJils ne séjournent dans la
basse ville que pendant les heures destinées aux affaires
, è’est-à-dire de dix heures du matin à cinq
heures du soir. Quant à la ville haute, elle est composée
d’une foule d’habitations construites avec luxe
et entourées de jardins; aussi elle s’étend sur une
grande surface,' et il Serait difficile aux habitants de
pouvoir se visiter souvent, si chaque famille, potir
peu qu’elle soit fortunée, û’avait une voiture et des
chevaux à sa disposition. A Batavia, on ne rencontre
jamais personne parcourant lés rues autrement qu’en
voiture ; les Malais et les Chinois peuvent seuls se
servir de leurs jambes sans être remarqués; l<es Européens
ne sauraient se donner eette jouissance sans
se faire suivre par leur équipage. Nulle part peut-
être les lois de l’étiquette ne se montrent plus sévères
qu’à Batavia, et, si je dois en croire tous les dictons
qui plus tard me furent répétés, on verra par la suite
1839.
Juin.