Note 4, page 37.
C’est au delà du JValtevreeden que commence le chemin qui
conduit au château de Buitenzorg. C’est une route unie, et
bordée par de jolies maisons de campagne, pendant près de 5
à 6 milles, jusqu’au delà du fort de Mystefn-Cornlis ; parmi
les belles rues qui viennent aboutir aux deux grandes places du
WaltevreedenetdeKoening’s Plain, on peut ci ter celle dePrinsen-
Laan, le chemin de Gannong-Sabarie, et celui de Tanaabou.
Au delà du fort Mystern-Cornlis se déroule ^quartier de çe
nom, habité par les Malais du pays. C’est Un but de promenade que
je recommande à tous les voyageurs qtii viendront à Batavia. Il
faut y aller une fois, mais pas une seconde ; à la nuit tombante,
une voiture vous y conduit en une heure, et vous assistez à des
scènes curieuses et nouvelles. C’est dans ces ruelles étroites,
sous ces toits en paille, aûmilieu de ce dédale sinueux de cabanes
basses et mal bâties, que vous pourrez étudier le Malaiç,
le voir tel qu’il e s t, avec ses vices, ses appétits plus ou moins
grossiers, et ses passions. Après le travail du jour,, c’est là qu’il
vient oublier ses .peines , ses chagrins : vous le verrez jeter jspr
une table de jeu et perdre en quelques minutes c e qu’il a gagné ;
on vous permettra même d’aller assister aux scènes les plus secrètes
de son existence, vous pourrez le surprendre couché sur
une natte à côté de l’épouse d’unç nuit, et fumant silencieusement
sa pipe chargée d’opium. Plus loin , vous irez assister aux
danses de ces femmes qui, fardées, presque nues, viendront provoquer
les sens par leurs gestes, leurs poses voluptueuses, et cela,
au milieu d’une place publique, limitée par des tabjes de jeu,
des restaurateurs ambulants, des marchands de toute sorte.
Vous remarquerez cette lampe fumeuse qui projette sa clarté
changeante et indécise sur ces trois musiciens, petit groupe
curieux qui mériterait à lui seul le crayon d’un Charlet, le
talent d’un Dantan. L’un d’eux souffle gravement dans une
flûte à trois trous, dont les sons discordants imitent mal ceux du
bignioü de l’Armorique ; le Second est aveugle, il joue cependant
dü violon, mais quel violon !... C’ést un assemblage de
planches en bois blanc, à peu près de la forme de cèt instrument
; il y a trois cordes, ét l’archet est tout simplement un
morceau de peau mal tannée, assujettie à un bambou courbe
en forme d’arc. Le troisième musicien est le chef de l’orchestre,
il frappe à coups redoublés sur un gong ; sa mesure est d’abord
lente, et même assez monotone, mais bientôt la danse dont il
dirige là marché s’anime, lui-même s’émeut, et le voilà qui se
met à Chanter, à soupirer, à frapper avec fureur comme un
homme dans le délire. Ses yeux sortent de leurs orbites, sa
bouche écorne, les danseuses elles-mêmes redoublent d’ardeur,
leurs poses deviennent intraduisibles, puis un grand cri, un
long soupir terminera cette scène bizarre qui rappelle, à quelques
modifications près, la ùhickâ du nègre, la dansé de l’esclave de
nos colonies.
Comme je l’ai dit plus haut, on n’ira Voir le quartier Malais
qu’une seule fois; mais ce ne sera réellement pas sans intérêt
qu’on pénétrera dans cétte nouvelle cour des miracles, dans
cet antre où toutes les passions humaines sont en jeu , et se
montrent à découvert.
Le quartier Chinois n’a rien de commun avec celui dont je
viens de parler : il est près de la mer, hors de l ’enceinte, et à
l’Ouest de la Vl’eillè Ville : un canal lè sépare de Cétte dernière,
mais plusieurs ponts établissent des communications faciles et
de tous les instants. Ce campong chinois formait autrefois un
vaste faubourg de la ville, mais cette population active et industrieuse
s’est à peu près glissée partout. Plusieurs riches négociants
de cétte nation ont de jolies habitations dans le quartier
neuf.
J’ai visité cé campong deux fois, j’y-suis allé le jour et la nuit;