pagnes de l’étourdissement des joies de courte durée. On peut
aisément se figurer le mouvement et le bruit occasionnés par
l’invasion subite d’une vingtaine d’officièrs, reclus depuis longtemps
entre les murailles étroites d’une prison mobile, au
milieu des paisibles habitués de cet établissement. Parfois je me
prenais à plaindre les habitués de l’hôtel, si calmes avant notre
arrivée.
. On nous a bien dit que les souvenirs qui se rattachent au
passage delà frégate Y A rtém ise , sont la cause première delà
réception froide qui nous a été faite , et que la société de Batavia
avait été piquée de voir paraître les officiers de cette frégate
en costume négligé à un bal du gouverneur; mais ce motif
n’est pas admissible ; il ne peut avoir de fondement : ce serait un
exemple sans précédent dans les habitudes de notre marine. La
cause véritable provient, à ne pas en douter d’après les assertions
de personnes dignes de fo i, des menées d’un personnage
de la ville, q ui, on doit regretter de le dire, est un Français.
Il paraît que cet individu , froissé dans sa susceptibilité , je ne
sais trop comment, a mis tout en jeu pour décrier ses compatriotes.
Il a été l’un des plus ardents détracteurs des officiers de
l’A rtém ise ; il s’est ensuite prévalu de l’état où une longue et
pénible navigation avait réduit nos corvettes au moment de leur
apparition sur la rade, pour décrier notre expédition et pour
conclure qu’on ne pouvait concevoir Une bonne opinion de ses
travaux, puisque la mer avait rongé ïè cuivre et que les vents
avaient nécessité de rapiécer les voiles.
Voici maintenant l ’histoire de cet homme. Les rapports les
plus favorables le dépeignaient comme un employé subalterne
du Jardin des Plantes de Paris ; envoyé dans l’Inde avec la mission
de récolter des objets d’histoire naturelle, et qui, en débarquant
sur les rives de Java, était parvenu par des voies obscures
qu’on n’avoue pas ordinairement , à obtenir une place élevée
dans la direction du musée de Batavia et des fonctions occultes
qui lui attiraient plus de crainte que de considération. D’autres
informations le représentaient comme un industriel arrivé on
ne sait d’où, en compagnie d’un éléphant ou d’un rhinocéros
qu’il montrait, avec l’accompagnement obligé du tutu boun-
boun d’un. orchestre de foire, et qui , à force de souplesse et
de...., le mot répugne à écrire, était parvenu à obtenir des émor
luments considérables, une position scientifique officielle et une
position secrète, qui lui assurait l’oreille du gouverneur général,
dont la position souvent difficile demandait des renseignements
minutieux et l’emploi d’une police active. Quoi qu’il en soit, il
est fort heureux pour lui que les officiers dèi l ’expéditiôn n’aient
appris que fort tard ses menées, car il aurait pu lui en coûter.
Ces détails peuvent expliquer la réserve de la société dé Batavia
à notre égard ; et s’il est pénible de voir un Français se livrèr à
des actions aussi répréhensibles, on conçoit aussi de quel sentiment
on doit le flétrir,
(M. D e sg ra z.)
Note 7, page 100.
Nous nous rendîmes chez M . Balestier, négociant et consul
américain ; nous savions avec quelle cordialité il avait reçu les
officiers de Y Artémise et ceux de la Bonite qui nous avaient précédés
, et nous étions instruits del'accueil qu’il s’était empressé
de faire, la veille, à quelques personnes de l’expédition qui
étaient descendues à terre. Nous trouvâmes un homme de parfaites
manières , d’une conversation variée ^et instructive, d’autant
plus intéressante pour nous, qu’il parlait le français avec
une grande facilité ; il nous combla d’honnêtetés pleines d’affection
et de franchise, et se mit, dès le début, à notre entière
disposition pour tout ce dont nous pourrions avoir besoin. Sa
femme et son fils s’unirent à lui pour nous rendre agréables le
peu de jours que nous devions consacrer à cette relâche. Après
quelques heures qui s’écoulèrent rapidement au milieu de cette