cette troupe désordonnée, qui était prête à s’ameuter contre nous,
rien qui ressemblât à une milice régulière, ni encore moins à
une force armée permanente. La marine du pays, qui est sans
doute indépendante du sultan, est d’ailleurs trop faible pour
maintenir sa puissance au dehors. Il est probable que les chefs,
les gens riches, arment quand il leur plaît un bateau pour la
course, et s’en vont à la mer chercher fortuné, sauf à pàrtager
les prises avec le sultan et les datous. Les praos de Solo, mieux
construits, mieux armés et mieux équipés que les bateaux malais,
ne résisteraient pas à nos plus petites goélettes de deux canons.
Mais ils sont redoutables pour des navires marchands qui n’ont
qu’un faible équipage, et dont les capitaines se laissent souvent
surprendre par défaut de prévoyance. Ces praos ont un tonnage
d’environ trente à quarante tonnes ; leur carène paraît assez bien
taillée, mais leur accastillage est trop élevé pour qu’ils puissent
avoir une marche avantageuse; l’arrière est surchargé d’une
énorme dunette flanquée de chaque; bord d’une plate-forme
semblable à un porte-hauban , soutenu par des courbes de bois
très-massives. La moitié antérieure du bateau est à peu près
rasée, n’ayant au-dessus du pont qu’une forte lisse supportée à
hauteur d’appui par des allonges. Cette installation laisse lés forbans
sans abri contre la mousqueterie. Les bateaux sont armés
d’un canon de 4 ou de 6, à pivot, sur l’avant, et d’une pièce à
chaque bord. Ils ont deux mâts et un gouvernail double, à la
façon malaise.
Le pavillon de Solo est blanc, avec une bande noire; très-
étroite à la gaîne et un écusson noir représentant les portes delà
Mecque. On ne s’attendait guère à retrouver chez une peuplade
barbare de l’Océanie les anciennes couleurs de la France. On
lit dans le voyage de Sonnerat, à propos de File Solo :
« Les Français ont pu y former un établissement j lè roi de
» cette île, afin de montrer son amitié pour la nation, avait
» même demandé le pavillon français. »
Après avoir lu ces lignes que le voyageur’ Sonnerat écrivait
en 1772, on sera moins surpris que le sultan actuel de Solo se
soit pris d’une belle amitié pour les Français, et ait recherché
leur alliance eü 1839. Il serait peu honorable pour nous d’avouer
de pareils amis; mais, comme en politique on est trop souvent
obligé, deisè faire des amis partout, autant vaut accepter ceux
qui viennent, s’offrir. Nos marchands n’ont pas de grands avantages
à espérer dans leurs relations avec Solo, Cette île est trop
petite et a une population trop turbulente pour qu’on puisse
jamais établir uq grand commerce dans le pays, à moins dé l’occuper
militairement pour en faire un entrepôt. Mais , sans entrer
dans la voie des conquêtes ou des établissements lointains, on
peut tirer quelque parti’ du bon vouloir de ces bandits. Nos
bâtiments peuvent les visiter de temps en temps pendant la paix,
pour les accoutumer à la vue de nos couleurs qui les ont effarouchées.
La baie de Bewan est sûre, et offre une aiguade excellente
et de bons rafraîchissements. Cette relâche serait en temps
de guerre très-précieuse pour nos croiseurs, qui, de là, seraient à
portée des Philippines, de la mer de Chine, ét du canal des
Moluques.
(M. Roquemaurel. )
Note 16, page 202.
Plusieurs de nos camarades ayant été bien reçus par le datou
commandant la marine, Tahel Bahar, nous lui fîmes notre première
visite après avoir attendu quelque temps qu’il fût levé;
nous le trouvâmes assis sur des coussins, sous une espèce de dais,
dans une vaste salle ressemblant plutôt, par le grand nombre
de coffres et de caisses qui la garnissaient, à un magasin de négociant.
Il nous fit mille amitiés, et comme il parle un' peu espagnol,
nous pûmes nous entendre tant bien que mal. C’est un
homme de 25 à 30 ans, paraissant spirituel et enjoué ; on le dit