le reste de la bande s’enfuyait; la pauvre bête n’était
que blessée, et faisait entendre des cris plaintifs,
nous la primes par les pattes et la portâmes dans le
canot. Cette espèce de singe est remarquable par un
long nez proéminent qui lui donne la plus grande
analogie avec la figure humaine ? la peaü de la face,
dénuée de poils et de couleur basanée, augmente
encore cette ressemblance. Gettè capture me fit
bèaucoup de plaisir, c’était un des desiderata du Mu-,
sée, et l’Académie, dans ses instructions, nous l’avait
spécialement recommandé.
»Cependant un des Malais de la case, enhardi par
notre attitude pacifique , avait détaché une de ses
pirogues et avait abordé auprès de nous. En voyant
notre singe, il nous fit comprendre qu’il allait nous
en faire trouver d’autres et nous fit signe de le suivre.
Une colline dominant les environs s’élevait à
notre gauche, elle était couverte de grands arbres
entremêlés de lianes, de broussailles et d’arbustes
pressés et confondus; ce fut au milieu de ce lacis
inextricable, que notre Malais entreprit de nous
frayer un chemin; il écartait les branches, se bais-,
sait, rampait avec une agilité surprenante, nous
avions beaucoup de peine à le suivre. Après: un quart
d’heure de cette marche fatigante, nous arrivâmes
au sommet, harassés et accablés par une chaleur
brûlante. Cet endroit était dépourvu,d’arbres, nous
ne vîmes aucune apparence de Nasiques, mais nous
fûmes bien dédommagés par le panorama qui s’offrit
à nos yeux.
» A nos pieds s’étendait la forêt sombre et impénétrable
; au delà, à deux lieues environ, elle s’interrompait
tout à coup; un charmant paysage lui succédait
: c’étaient de riants villages, de jolies habitations
éparses au milieu d’une verte campagne et entourées
de cultures régulières; On eût pu se croire transporté
sur quelque point de la France !
» Notre admiration égalait notre surprise : certes
nous étions loin de nous attendre à un si grand contraste
, à trouver la civilisation au. milieu d’un pays
Sauvage, des cultures admirables entourées de'forêts
vierges. Nous éprouvions un immense désir d’aller
jusquç-là, de visitér ce coin de terre, si riant, eet
oasis qui nous apparaissait comme un effet de mi-
rage, ou un tableau magique. Mais hélas ! déjà l’heure
nous pressait, il fallait songer à retourner à bord de
nos navires dont nous apercevions au loin les brillants
pavillons flotter à la brise. Notre guidé nous
fit comprendre que ces villages étaient une colonie
récente fondée par les Chinois.
» Après avoir redescéndu la colline, nous essayâmes
M. Ducorps et moi, de pénétrer dans cette épaisse
forêt ; nous avançâmes en nous déchirant aux ronces ,
en enfonçant dans la vase de ce sol marécageux; nous
avions fait une centaine de pas, lorsque des rugissements
affreux se firent entendre à peu de distancé ;
nous nous hâtâmes de rebrousser chemin, et nous
revînmes plus vite que nous n’étions allés.
» Quelques instants après, nous nous dirigions vers
nos navires où nous arrivâmes sans mésaventure. Le