« Enfin, le 25 mars 1619, le général Coën mouilla
» sous les forts de Batavia. La flotte qu’il amena des
» Moluquesse composaitdedix-sept vaisseaux. Il trouva
» mauvais qu’on eût donné au fort un nom sans son
* consentement, et ille fit effacer. Le lendemain, ayant
» fait débarquer ses gens, au nombre de douze dra-
» peaux de soldats et de matelots, il prit, le 30 du mois,
» la ville de Jaccatra sans résistance , n’y ayant eu, de
» notre côté, que deux hommes tués, et trois du côté
»des Javanais. Aussitôt il en fit raser les murailles et
» abattre les maisons. Fort de ce succès, il se présenta
» le 8 avril devant Bantam, et obtint la paix et la li-
»bertéde Van denBrook et des autres prisonniers, en
»dictant au roi des conditions.
» Le 22 août 1629, le fort de Batavia fut assiégé par
» 80,000 hommes de Mtttarem. Nos gens mirent le feu
» aux ouvrages des ennemis sans aucune perte de leur
»part. Le 20 septembre,le fondateur du premieréta-
» blissement militaire à Jaccatra, ou le célèbre Piter-
» Both avait le premier établi une factorerie, mourut
» d’un flux de ventre dont il était depuis long-temps
» atteint, il fut enterré avec beaucoup de pompe à l’hô-
» tel de ville, et remplacé provisoirement dans le com-
» mandement par le conseiller des Indes Speix. Le
»2 octobre, les Javanais levèrent le siège, après avoir
»perdu beaucoup de monde, tant par les sorties que
»nous fîmes sur eux que par la faim. Nous sûmes,
» dans la suite, qu’il ne s’en était retourné que
»30,000, tant les maladies en avaient encore emporté*
» beaucoup dans leur retraite et depuis leur retour. »
«Tellefut l’origine modestede cette domination, qui
par la suite devint si redoutable et si tyrannique, et
flans moins de deux siècles rendit une compagnie de
marchands l’arbitre suprême des destinées d’une immense
population. Dans les luttes qu’elle eut à soutenir,
on la voit toujours suivre la même’politique,
qui consiste à profiter des divisions des différents
souverains de cette île, et à en faire naître au besoin
parmi eux; à se faire accepter d’abord comme auxiliaire
dans leurs querelles, et à se faire adjuger ensuite
par le vainqueur une grande partie des dépouilles
du vaincu, quitte à spolier ensuite le vainqueur
en s’alliant à un de ses ennemis. Fidèle à son origine,
la compagnie débute toujours par se faire donner
le monopole, du commerce chez les peuples alliés;
c’est ce monopole qui engendre tant de guerres
et qui fait naître chaque jour de nouveaux prétextes
et de nouvelles occasions d’agrandissement. C’est
ainsi que s’est faite la conquête presque entière du
pays. Elle a été achevée par le gouvernement hollandais
successeur de la compagnie, dont il suit les traditions
et les principes politiques *.
» Mais ce n’est pas seulement par cet admirable es-
* Ce fut en 1795 que le gouvernement prit à sa charge tous
les établissements de la compagnie ; elle avait alors une dette considérable^
occasionnée par les dépenses des: guettes quriblui
avait fallu soutenir, pour étendre et consolider son empire territorial.
Cette,dette s’élevait;,® 252,000,000 de francs, portant
5,540,000 francs d’intérêt. Dans l’espace d’un peu plus d’un
siècle, de 1693 à 1795, les dépenses avaient dépassé les ressources
de la somme de 354,000,000 de francs.