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 surtout  celle qui leur  permet  de  se livrer  à  la piraterie. 
   Ceux  qui  ne  suivent  pas cette  carrière n’ont  autre  
 chose  à  faire  qu’à  vendre  quelques  denrées  et  
 à  faire  parade  de  leurs  armes,  en  se  donnant  des  
 airs  belliqueux.  Ils  n’exercent  qu’un  petit  nombre  
 d’industries et ne savent même pas se bâtir des habitations  
 propres  et commodes;  leurs  cases,  comme toutes  
 celles  des Malais,  sont  de  grandes  cages  en  bambous  
 élevées  de  quelques pieds  au-dessus du  sol ;  la  
 partie inférieure  est occupée par  les  cochons  (en petit  
 nombre)  et  les volailles ;  l’étage  supérieur ,  où  résident  
 le maitre et sa famille ,  n’est guère plus propre  
 que  rétable  qui  est  au-dessous. 
 «  Tandis  que  le  Malais  et  le  Bouguis  sommeillent, 
   le Chinois,  que  l’on  retrouve partout  actif  et  
 laborieux,  fait  tous  les  métiers,  exploite  tous  les  
 genres  d’industrie;  il  est  charpentier,  menuisier,  
 forgeron,  serrurier,  tailleur,  cordonnier,  marchand, 
  brocanteur,  courtier...  Si le Chinois,  dominé  
 par  la  soif  des  richesses,  se  rend  souvent  coupable  
 d’usure et de duplicité,  il faut dire  à  son éloge qu’aucun  
 peuple  du monde  n’est  plus  persévérant,  plus  
 infatigable,  plus  industrieux.  Malgré  l’ardeur d’un  
 climat  qui  énerve  l’homme  et  paralyse  ses  facultés,  
 malgré  l’instabilité  des  choses  dans  ces  contrées  si  
 souvent  bouleversées  par  les  révolutions,  ravagées  
 par  la  guerre,  et pressurées  par  les dominateurs européens  
 ,  le Chinois  emploie les bénéfices de son commerce  
 ou  de  son industrie  à  se créer  un  bien-être et  
 même  un certain  confortable ;  il est aussi propre  sur 
 sa  personne  que rangé  et méthodique  dans  ses affaires  
 ; on ne peut franchir le seuil d’une habitation  sans  
 être  frappé de la propreté  et de l’ordre minutieux qui  
 y  régnent.  On  est  bien  accueilli par  le maitre  de  la  
 maison,  qui  est  poli,  affable,  insinuant surtout lorsqu’il  
 s’agit  d’affaires;  mais  il  ne  faut pas se  formaliser  
 si  le marchand  vous  fait  des  prix  exorbitants,  
 car pour  lui  comme pour  bien d’autres  le commerce  
 est le  grand  art  d’acheter  à bas  prix  et  de  vendre  le 
 plus  cher  possible. 
 «  Le  quartier  Bouguis  est  très-peuplé ;  on  y  rencontre  
 çà  et  là  sur  le  rivage  de  la mer  quelques  pavillons  
 perchés  sur  de longs bambous  qui  s’avancent  
 de  quelques  toises  au-dessus  des  eaux.  Ces  petits  
 kiosques, que  l’on prendrait d’abord pour des pigeonniers  
 ,  servent  sans  doute  de  belvédères  ou  de lieux  
 de  repos pendant  la grande chaleur  du jour.  Il  n est  
 pas  rare de  trouver  entassés dans une même  case dix  
 à douze  individus  appartenant  à  une  même  famille.  
 A  voir  la multitude  d’enfants  qui  pullulent  dans  ces  
 sales  habitations,  on  ne  peut  douter  que  la  ville  de  
 Makassar ne compte plus de 20,000 âmes  (les Hollandais  
 la portent à  25,000). Les Makassars,  soumis  à la  
 loi de Mahomet, peuvent avoir autant de femmes qu’ils  
 en peuvent nourrir;  le  pays  fournit  une  telle  abondance  
 de  riz,  de  sagou  et  de  fruits  de  toute  espèce,  
 les eaux de la baie  sont  si poissonneuses, que  les plus  
 pauvres  ont  les moyens  de  nourrir  une  nombreuse  
 famille ; tous les naturels mâchent  le  bétel,  qui dans  
 ces  régions  passe  pour  un  spécifique  incomparable. 
 1839. 
 Mai. 
 A A