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 pour  le  ramener  dans  sa  résidence que  nous venions  
 de quitter.  Je  savais,  en  outre,  que  la  marine  coloniale  
 hollandaise  ne  pouvait  disposer  d’aucun  bâtiment  
 à vapeur pour  le  service  du  gouvernement  des  
 Moluques  :  aussi  je  ne  partageais  point  l’illusion  de  
 notre  équipage,  qui  s’était  groupé  sur  le  gaillard  
 d’avant,  dans  l’espoir de  voir bientôt  les  eaux  sillonnées  
 par  une  de  ces  puissantes  machines  enfantées  
 par l’industrie ; en effet, l’homme  placé  en  vigie  vient  
 de  signaler la  terre  :  elle  apparaît sous la forme  d’un  
 piton  conique s’élevant  à  peine  au-dessus d’un  horizon  
 embrumé ;  c’est  le  sommet  du  Gounong-Api,  
 haute montagne qui domine le petit groupe de Banda,  
 et sur les  flancs de  laquelle  s’ouvre  un  cratère  d’une  
 grande activité.  Des tourbillons d’une  fumée noire et  
 épaisse  s’élèvent  constamment du  sein de cette montagne  
 en  feu  et viennent  en couronner  le  sommet. 
 Bien  que je continue à faire route  sur la terre pendant  
 toute  la  n u it,  les  vents  sont  si  faibles  qu’au  
 jour  nous  nous  trouvons  encore très-loin  du  groupe  
 principal des  îles  Banda,  où  je  veux  aller  mouiller. 
 Près de nous s’élève le rocher Poulo-Swangui, et sur  
 tribord nous  commençons à apercevoir les détails  des  
 deux petites îles Poulo-way  et Poiilo-Roun.  Sur la  première  
 de  ces  île s ,  on  aperçoit  un  petit  fort  où  flotte  
 le pavillon  hollandais, et autour  duquel sont venus  se  
 grouper  quelques  colons dont les  habitations  paraissent  
 assises  sur  le  bord de  la mer,  dans une  position  
 agréable.  Poulo-Pmm  ne  nous  laisse  voir  aucune  
 trace  d’habitants.  Ce  n’est  que  bien  avant  dans  la 
 matinée  que  les  nuages  accumulés  sur  la  grande  
 terre  se  dissipent,  et  nous  laissent  apercevoir  les  
 îles Lonthoir,  Bcmda-Neira  et  Goimong-Api.  Ensuite  
 les calmes  nous clouent  à la même place,  et  ce  n’est  
 qu’après  quarante-huit  heures  d’efforts,  que  nous  
 parvenons  enfin  à  nous  approcher  des  terres.  Mais  
 déjà  la  nuit  était  venue,  nos  corvettes  déploient  
 vainement  leurs voiles pour  saisir  la  moindre  agitation  
 de Pair ;  la prudence  nous  commandait de nous  
 éloigner de  la  côte,  sauf à  faire  de  nouveaux  efforts  
 le  lendemain  pour  gagner  le  mouillage,  lorsque  
 nous voyons débouquer de la passe  quinze  grandes  et  
 fortes embarcations, montées chacune par vingt-deux  
 pagayeurs,  et  qui,  accostant  nos  corvettes,  demandent  
 des  toulines  pour nous  conduire au  port.  Grâce  
 à  ce  secours,  nos  corvettes  gagnent  lentement  le  
 mouillage  et  laissent  tomber  leurs  ancres  par  neuf  
 brasses de  fond,  à  côté  de  la  corvette  hollandaise  le  
 Triton,  et  en  face  de  la  ville,  dont  les lumières  se  
 reflètent  sur  les  eaux  tranquilles  de  la  baie.  Aussitôt  
 un  officier  est  envoyé  auprès  du  gouverneur  
 général,  M.  de  Stuers,  de  qui  il  reçoit  l’accueil  le  
 plus  affable.  Sa  mission  est  de  remercier,  en  mon  
 nom, M.  le  gouverneur  de  son  attention  délicate  de  
 nous envoyer ses chaloupes pour  nous  touer  dans  le  
 port,  et  ensuite de traiter  la  question du  salut national  
 , qui est  renvoyé à demain. 
 Rien  n’est  joli  comme  le  coup  d’oeil  du  port  de  
 Banda :  trois îles le  limitent.  D’un côté  se  trouve l’île  
 Banda-Neira, dominée parle fort Belgica ;  sur le bord