VOYAGE
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Mai.
rant d’air qui neutralisait presque l’effet d’un nombre
considérable de bougies et de lampes qu’on avait
placées tout autour.
« Au milieu de la salle, on voyait plusieurs tables
en bois rouge et à peu près circulaires, sur lesquelles
lajgastronomie chinoise avait réuni toute sa science
culinaire, tous les fruits de la saison ; chacun pouvait
prendre place au festin et manger à son a ise , des
confitures, des sucreries, du riz , des tripangs, etc.
Au r e s te , il y avait là des convives dont l’appétit
reconnaissait à merveille la franche et large
hospitalité du maître de maison ; ils causaient peu
pendant le repas, car , selon les Chinois, chaque
chose a sonMemps, on se met à table pour manger
et non pour échanger ses idées.
« Pendant que chacun de nous regardait cette
scène nouvelle et animée, le bon vieillard qui nous
avait servi d’introducteur nous présenta son fils.
C’était un jeune homme de vingt ans à peu près, dont
le type de figure offrait un mélange de traits chinois
et malais; il allait se marier, et c’était pour célébrer
cet événement que les portes de la maison paternelle
restaient ouvertes à tous ses amis, à toutes ses
connaissances. La coutume ordonnait de les traitei
le plus magnifiquement possible pendant trente jours,
il fallait donc s’y conformer.
« Le jeune marié nous fit les honneurs du logis
pendant que son vieux père allait vaquer a d autres
soins ; il nous offrit tout d’abord de nous mettre à
table, mais voyant bientôt que notre appétit ne répondait
pas à son attente, il nous conduisit dans une
façon de sanctuaire qui occupait le fond du grand
appartement, dont il était séparé par une balustrade.
« Notre approche mit en déroute un bataillon de
femmes qui s’y étaient réfugiées pour jouir du coup
d’oeil du festin : elles s’échappèrent par deux portes
latérales qui conduisaient, sans doute, dans les appartements
intérieurs : au fond de cet atrium réservé
et au-dessus d’une espèce d’autel, on voyait l’image
de Confucius. Ce philosophe était représenté
assis et comme ayant l’air d’écouter un personnage
au regard furibond qui se tenait derrière lui. L’autel
était d’ailleurs chargé de divers ornements, parmi
lesquels je remarquai plusieurs beaux vases en porcelaine
chinoise et un bon nombre de marmousets
et autres diableries ; des cierges en cire rouge et
bleue projetaient leur lumière incertaine et tremblot-
tante sur cet ensemble bizarre, mais curieux. Pour
relever un peu le nu des murs du petit appartement,
on avait suspendu çà et là quelques tableaux
plus ou moins grossièrement peints, qui ne donnaient
pas une haute idée du bon goût et des connaissances
en perspective des artistes chinois; un
d’entre eux fixa mon attention plus que tous les autres
ensemble ; c’était la réunion de tous les pavillons
nationaux des peuples qui viennent commercer
dans ces mers éloignées ; je cherchai inutilement les
couleurs françaises, elles ne s’y trouvaient pas, probablement
parce qu’elles sont peu ou point connues
dans ces parages.
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