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qu’ils ont pu gagner. Le banquier est un Chinois avide, qui, l’oeil
étincelant et la main rapace, enlève à ces misérables jusqu’à leur
dernier dut
Dans nos contrées civilisées, il existe aussi de ces repaires
maudits, mais là au moins le vice se cache sous un habit noir et
une figure riante. Ici il est tout nu ; le sang bout sous cet ardent
climat, et c’est l’injure à la bouche et le kriss à la main
que les Makasses suivent les chances de la fortune. Au milieu de
toutes ces hideuses figures rouges animées par le jeu et l’opium,
le Chinois conserve son air grave et compassé. A le voir accroupi
sur la table, avec sa face impassible comme le destin, agitant les
dés ou arrangeant les cartes dans un silence de mort, on le prendrait
pour le génie malfaisant, le méphistophélès des brutes qui
l’entourent.
Les Makasses et généralement tous les peuples de l’archipel
Indien jouent avec frénésie, hommes libres, femmes, enfants,
tous sont infestés de cette funeste passion. Les brelans sont tenus
par des Chinois, qui, moyennant forte redevance qu’ils payent
au gouvernement hollandais, pressurent à leur profit ces malheureuses
populations, et font l’usure à des taux énormes. Il
est tel petit radjah, et même sultan, qui se pavane fièrement,
sans avoir à lui le kriss qu’il porte à la ceinture.
L’usage de l’opium est répandu dans toute la Malaisie ; il
produit des effets divers suivant les différents tempéraments,
mais il est toujours funeste. Il abrutit le flegmatique Chinois,
tous ceux qui en font abus sont lourds, hébétés, stupides, et
finissent par mourir dans un état d’idiotisme complet.
Pour les Malais, au contraire, gens vifs et à passions ardentes,
c’est l’excitant le plus violent. Il y a deux périodes bien distinctes
dans l’ivresse de Topium. La première est un état assez doux =
* Le dut est une petite monnaie hollandaise équivalant à un Hard.
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on tombe dans une somnolence agréable , mille nuages bizarres
et fantastiques s’emparent de l’imagination, c’est comme un de
ces rêves confus qui arrivent dans un demi-sommeil ; c’est du
moins ce que j’ai éprouvé, car j’ai voulu voir ce qui en était ;
mais à la suite de ma béatitude j’ai ressenti un violent mal de
tête et des tranchées atroces. Les effets en sont terribles chez les
Malais. Après cette sorte de bien-être les fumées de l ’opium gagnent
le cerveau ; alors ce sont des bêtes féroces qu’il faut assommer
sur Tbeure : ils saisissent la première arme à leur portée
et poussant leur terrible cri, amock (tue) ; ils s’élancent à travers
champs, tuant, détruisant tout ce qu’ils rencontrent sur leur
passage. Les Hollandais ont institué une espèce de garde qui est
spécialement chargée de les arrêter. Les hommes qui la composent
sont armés d’une longue fourche à branches très-évasées ;
ils se placent sur le passage du furieux, l’attrapent par le col
ou le milieu du corps, le renversent, lui amarrent fortement
les mains, puis le laissent dans cet état cuver tranquillement
son opium...'.
Célèbes produit en abondance une race de chevaux très-esti-
més dans toute TInde. On en apporte à Batavia, Madras, Calcutta
et même jusqu’aux îles Maurice et Bourbon. Ils sont de
petite taille, admirablement faits, pleins de feu; leurs allures
sont douces ; ce sont les plus jolis chevaux de femmes que Ton
puisse trouver. Comme tous les Orientaux, les Célébiens sont
plutôt assis qu’à cheval sur leur monture ; leurs étriers, qui ne
dépassent pas le ventre du cheval, ont un côté tranchant qui remplace
Téperon. Les cavaliers o n t , comme leurs chevaux, une
brillante réputation , mais je doute qu’ils la méritent aussi bien.
Les eaux de Makassar sont remplies de caïmans. Ces animaux
errent, dit-on , la n u it, sous les pilotis des cases et enlèvent tout
ce qu’ils rencontrent. On se sert pour les prendre d’un moyen
assez ingénieux. Sous le cadavre d’un chien mort que Ton jette à