bl.A
ment d’attendre le gibier au passage ; entendant
des cris près de lu i, il crut faire une chasse
plus heureuse en le poursuivant sur le bord de
la forêt, mais la nuit était très-noire, les cochons
avaient l’oeil au guet, et il ne put pas en apercevoir
un seul. Il arriva ainsi au village, où sous une
des cases qui sont toutes élevées d’un mètre au-
dessus du sol, il aperçut plusieurs cochons qui y
cherchaient des débris; la case elle-même était encore
éclairée par une lumière qui semblait indiquer
que la famille qui l’habitait n’était point endormie;
alors, par un motif de prudence louable,
il craignit de faire feu sur ces animaux qu’il n’apercevait
que vaguement, et il voulut avant prendre
conseil de l’un des naturels qui lui servaient de
guide; mais par cela même il perdit l’occasion favorable
de faire chasse, car prévenus par le bruit de
cet entretien, les cochons prirent la fuite et regagnèrent
la forêt.
« Sur ces entrefaites le jour commençait à se faire ;
il fallut songer à regagner le bord et à enlever notre
proie du poids de 7A kilogrammes. Comme la
v e ille , les naturels ne voulurent en aucune façon
nous seconder dans cette tâche. Arrivés au village,
nous demandâmes à Safi-Rouddin de nous donner
une embarcation pour nous conduire à bord, mais
oublieux de la promesse qu’il avait faite la veille à
M. d’ü rville, il nous la refusa ; alors nous eûmes
recours aux promesses pour vaincre son obstination,
tout fut inutile.
I
« Cependant nous apercevions nos navires qui levaient
leurs ancres. II devenait temps de nous embarquer.
Ne prenant conseil que de la nécessité qu’il
y avait pour nous de rallier le bord, nous réunimes
nos efforts, et malgré les naturels, nous lançâmes
à la mer une de leurs pirogues que nous trouvâmes
sur la plage , puis nous y chargeâmes notre cochon
et nous nous disposâmes à nous y embarquer. Dès
que Safi-Rouddin s’aperçut de notre résolution, il
ne nous fit plus d’objections. Nous le comblâmes
de cadeaux sans pouvoir obtenir de lui qu’il nous
donnât quelques esclaves pour pagayer et nous conduire
; nous en prîmes bientôt notre parti, et quittant
nos fusils pour saisir les rames, nous arrivâmes
à bord au moment où on déployait les voiles. Trois
pirogues montées par des naturels nous y suivirent ;
elles vinrent emmener celle dont nous nous étions saisis
, et faire valoir auprès de M. d’Urville les prétendus
services que nous avait rendus Safi-Rouddin,
et dont il demandait la récompense. Ainsi, jusqu’au
dernier jour, le caractère avide de ce chef
ne se démentit pas un seul instant ; faisant trafic de
tou t, profitant de toutes les circonstances où il pouvait
acquérir, tout moyen lui était bon pour arriver
à son but. Étranger à la honte , il ne manqua jamais
d’audace ni de ruse. Au moment de notre départ
du village, n’osant plus s’opposer à nos desseins, il se
fit mendiant; et ne pouvant pas lui-même venir à bord
de Y Astrolabe implorer les largesses de M. d’Urvillc
et faire appel à sa générosité , il nons confia ce man-
1839.
Mai.