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c’est à l ’aide du babi redoutable que nous nous débarrassions d’eux.
L’orang-kaya, de libations en libations, est déjà à moitié
gris ; après avoir vidé notre dernière bouteille , il a soin de conserver
le vase vide. Ce chef rapace nous demande des cadeaux à
chaque instant ; il les demande d’un ton mielleux , met la main
dans nos carnassières, charge les fusils d’échange qu’il a obtenus
avec notre poudre, et s’en va à la fin , suivi de deux ou trois esclaves
portant ses armes, tirer sur les poules dans le village en
chantant à tue-tête. Coiffé de son grand chapeau hexagone , la
figure avinée et la démarche chancelante, il-présente le spectacle
le plus risible. Le maître d’hôtel des officiers de la Zélée, profitant
de son humeur joyeuse, lui fait faire l’exercice ainsi qu’à
sa su ite, fait évoluer toute cette troupe pendant une demi-heure,
jusqu’à ce que le ch e f, fatigué et hors d’état de se tenir sur ses
jambes, vienne cbercber dans son harem un repos nécessaire.
Ses femmes demeuraient dans un corps-de-logis séparé : je
n’ai pas pu les v o ir , mais il paraît qu’elles sont nombreuses et
que plusieurs d’entre elles sont Papouas. Les Malais paraissent,
en général, désireux de posséder des femmes de ce pays ; ils les
obtiennent à titre d’esclaves, et on peut présumer qu’ils vont
souvent les enlever pour en faire un objet de trafic ou pour satisfaire
leurs goûts. C’est probablement à ce mélange de sang
qu’on doit attribuer les teintes de peau plus ou moins obscures
qu’on remarque dans la population de Warrou......
La construction des maisons de Warou est uniforme ; le sagouer
en forme presque tous les frais. Cet arbre moelleux offre un bois
spongieux, léger et facile à travailler. Toutes les habitations
sont érigées sur des pilotis courts, semblables à ceux des cases
de Gouabain. L’emplacement choisi pour édifier ces habitations
étonne, car c’est souvent au-dessus d’un marais, auprès du rivage
de la mer ou sur du sable qu’elles sont placées ; mais on
peut bientôt en trouver la raison dans la nonchalance de ces peu-
Il '
p ies, qui préfèrent de pareils emplacements pour y enfouir plus
facilement leurs ordures = ils n ’ont pour cela qu’une planche à
soulever, et la nature du sol cache le dépôt qu’on lui confie. Je
n’ai visité qu’une seule case : elle était divisée par un seul compartiment
, qui formait probablement l’appartement des femmes.
Elles s’y trouvaient au nombre de trois : le propriétaire ne fit
pas de difficultés pour les laisser voir ; au contraire, il parut satisfait
des cadeaux que nous leur fîmes, tandis qu’elles avaient
un air craintif et réservé = c’étaient sans doute des esclaves.
Les orang-kayas tels que celui de Warou paraissent jouir de
la confiance du gouvernement hollandais, à en juger par plusieurs
pièces de bronze du calibre de deux ou de quatre , de fabrique
hollandaise, qui restent déposées entre les mains de
Torang-kaya de Warou. Plusieurs de nos officiers ont vu ces
pièces, qui étaient dans la maison de ce ch e f, et ils les considèrent
comme de bonnes pièces de campagne.
A cinq heures et demie, nous reprenons notre route le long
des côtes de Céram. A trois milles de distance nous apercevons
parfaitement les détails du rivage ; l’établissement hollandais de
Wahaï se montre à nous en même temps que la pointe Est de la
baie Sevaï ; une mosquée élève son toit pointu au milieu des habitations
agglomérées. Une pirogue partie de Wahaï vient nous
accoster, grâce au calme qui règne ; elle nous apporte un message
de M, Schwab, sous-lieutenant que nous avions connu à Amboine
, et qui commande actuellement sur ce point en remplacement
de M. Carton, dont on nous avait souvent parlé. Cet
officier, ayant reconnu nos deux corvettes, nous demande un peu
de papier dont il est tout à fait dépourvu.
Le brave soldat, son envoyé, qui se rappelait d’avoir vu l’^s-
trolabe à Amboine, il y a dix ans, n’avait pas fini son discours
et ses descriptions, qu’il reçoit un volumineux paquet de papier,
et nous quitte pour retourner au rivage, pendant que nous orienmm