vivent à Tabri de ces hautes futaies , aux troncs élevés, grisâtres
et espacés, dont le feuillage peu fourni, sans cesse tremblant,
rappelle involontairement les saules que Tart plaça autour
des tombeaux. D’assez belles touffes de graminées croissent sur
toute la surface de la forêt, et pourront être très-utiles aux
, premiers efforts colonisateurs de Thomme. Le Itanguroo ag ile
en fait sa nourriture et s’y réfugie ; la colombe à co llie r r o u x
y niche, à l’instar de nos perdrix ; les moucherolles, les par-
dalotes , les bengalis se posent sur leurs tiges flexibles qui fléchissent
à peine sous le poids de ces petits êtres aériens. Les
rayons du soleil traversent facilement ces massifs de feuilles
étroites sans cesse agitées sur leurs longs pédoncules , aussi projettent
ils une lumière douteuse mêlée d’ombres sans cesse fugitives.
L’oeil pénètre au loin sous ces voûtes de branches et de
feuilles, il y est moins arrêté par la rencontre fortuite de quelques
inégalités du sol que par l’éclat incessamment variable de
la clarté mystique de ce séjour.
Cette végétation de la Nouvelle - Hollande semble faite pour
un continent dont la physique ne serait encore qu’ébauchée.
Ses montagnes peu élevées et concentrées sur quelques points
seulement, ne sont pas proportionnées à la vaste étendue qu’elles
dominent : il en résulte que les plaines ne sont point sufilsam-
inent en communication avec les phénomènes fertilisateurs de
1 atmosphère, et que le peu de pente du pays est un obstacle à
une distribution convenable des cours d’eau. Aussi, Test de
ce pays n’est-il point partout également fertile ; l’ouest n’offre
encore qu un désert de sable dans la presque totalité de son
étendue.
Chose remarquable, les plantes des cimes les plus élevées,
* Kanguroo agilis, Voy. au pôle sud et dans TOcéanie, par Dumont d ’U r -
vjlle ; Zoologie, mammif., pL 19.
comme celles des pays froids, ont une grande ressemblance organique
avec celles des lieux arides, et d’autant plus grande que
ces dernières appartiennent à des latitudes plus chaudes : dans
Tun et Tautre cas, en effet, elles sont résineuses , pourvues de
glandes, qui excrètent abondamment des huiles essentielles, ou
bien elles sont revêtues de poils longs et serrés. Ces huiles, cette
résine, ces poils, isolent la plante et la préservent des trop grands
abaissements de la température ; ils la garantissent également
de l’action desséchante de Tair et de celle des rayons du
soleil; ils diminuent sa transpiration. Si nous jetons les
yeux sur les plantes de la Patagonie, de la Terre-de-Feu,
de la Nouvelle-Zélande, de la Tasmanie, sur celles du sud de
l ’Australie, sur les végétaux des déserts de l’Afrique, sur
ceux qui bordent les côtes du Pérou et de la Bolivie, nous
aurons autant de preuves en faveur de ces observations, que
la vue des forêts de l’Australie septentrionale tend encore à confirmer.
Ce continent a , du nord au sud, un climat exclusivement
maritime ; il s’avance au milieu d’un immense océan, où il est
exposé à tous les excès des diverses modifications météorologiques.
Aussi , à latitude égale, les divers climats de l’Australie
diffèrent moins que ne diffèrent entre eux les climats de l ’Amérique
du Sud. Dans ce dernier pays , l’influence des latitudes
emprunte beaucoup à la conformation topographique du s o l,
à l’élévation des montagnes, à leurs nombreuses ramifications, et
à un grand nombre de fleuves importants. A ces conditions géographiques
se rattachent toutes les modifications infinies que
la latitude seule ne saurait entraîner. Mais sans porter nos regards
si loin , nous trouvons dans ces mêmes parages, à cent
soixante lieues de la baie Rafles , à quarante de la pointe nord
de la lerre Carpentarie , un sol moins étendu que celui de la
Nouvelle-Hollande, mais couvert de montagnes et pourvu d’une
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