tôt les ruines de deux cases, car elles sont en mauvais état et
paraissent abandonnées depuis longtemps; bientôt après nous
atteignons l’intérieur de la forêt, et déjà nous entendons le cri
rauque de l’oiseau de paradis retentir sur les hautes branches
des arbres gigantesques qui la composent. Qu’on se figure des
troncs droits de 100 et peut-être 150 pieds de hauteur , couronnés
au sommet seulement par une épaisse touffe de feuillage
; d’autres arbres aussi élevés étalant de fortes branches
couvertes de verdure, surchargées de lianes monstrueuses qui
les lient au so l, puis à leur pied des palmiers, des arbustes et
des arbrisseaux de différentes espèces, des plantes de formes
diverses et inconnues, et l’on aura une esquisse du tableau qui
se trouvait sous nos yeux. Les cris de l’oiseau du paradis, cris
rauques et désagréables qu’on peut rendre par ces syllabes
Ouok, o u o k , o u o k , ouok , le sourd bruissement du vol des calaos
, les sons étouffés des pigeons couronnés et le chant léger
des petits oiseaux remplissent ces lieux de bruits nouveaux pour
nous ; chaque pas nous offre la vue d’étranges objets, nous
donne des impressions différentes et souvent occasionne notre
étonnement. Il est difficile de peindre ces scènes par la parole,
il est impossible lorsqu’on n’est pas naturaliste de donner les
éléments ou plutôt la charpente d’un pareil tableau , il faut se
résumer à dire que ces forêts sont magnifiques, que cette terre
est luxuriante , que cette scène est magique sans espérer de
pouvoir faire partager ses impressions à ceux qui ne l’ont
pas visitée.
[M . D e sg ra z .)
Note 52, page 145.
La baie Rafles est vaste et pénètre profondément au fond
des terres : cette côte basse est formée de blocs de grès rouge
enfouis dans des bancs d’argile différemment colorés ; l’humus
y est peu épais, et ne cache point encore en totalité le sable
coralin qui couvrait cette plage avant que la végétation s’en fût
emparée.
L’immense surface de pays qui se développe de la mer vers
l ’intérieur au sud des baies Rafles et Essington, est couverte de
belles forêts, mais d’un aspect particulier : elles ne peuvent être
comparées ni à celles de l ’Europe, ni à celles des grandes îles de
l’archipel Indien, ni même aux forêts de la Nouvelle-Guinée,
si voisine de la côte nord de l’Australie. Ces bois ont une physionomie
spéciale qui se retrouve sur toute l’étendue de ce singulier
pays. La végétation des régions tempérées de l’Asie, de
l’Europe et de l ’Amérique diffère, au premier coup d’oe il, de
celle des régions chaudes de ces mêmes continents ; au contraire,
les productions végétales de l’Australie apparaissent toujours
constantes et uniformes; les latitudes mêmes ne semblent point
changer le type général de leur organisation. Il y a donc partout
analogie de causes, puisqu’il y a harmonie d’effet ? Il y a plus ,
quelque éloignés que puissent être les genres, leurs espèces
semblent toutes s’être conformées à un type, qui e st, bien certainement,
la condition de leur existence sur cette teire où
tout rentre dans le champ des exceptions. Les arbres et arbustes
des baies Rafles et Essington, comme ceux qui couvrent
la presque totalité du continent austral, portent des feuilles coriaces
et glanduleuses ; le plus grand nombre de ces feuillages
sont recouverts d’une poudre blanche résineuse qui leur donne
une teinte vert pâle d’une uniformité monotone. La tristesse de
ces lieux solitaires augmente encore au milieu des bois : ils sont
formés entièrement des Eucalyptus hoemastoma, piperita, re-
sinifera, capitellata; des Acacia alata et sulcata ; du Leptosper-
mum trinerve ; des Melaleuca leucadendron et viridiflora. Plusieurs
autres plantes comptent peu dans cet aspect général ; elles
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