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 devenu connaisseur en kriss, la véritable et célèbre huile de Makassar  
 avait  oint  mes  cheveux,  et  les  parfums  de  la  civette  
 avaient brûlé pour moi. 
 Tout  cela m’avait  un  peu  fait  négliger  l’histoire  naturelle ,  
 elle demandait  son  tour  à  grands  cris  ;  aussi,  un beau matin ,  
 accompagné du maître calfat,  habile  chasseur  et  surtout brave  
 et excellent  homme , je me mis en route. En traversant la v ille ,  
 nous instituâmes porte-gibecières trois  ou  quatre  petits  garçons  
 éveillés  et  intelligents,  et nous  entrâmes en pleine  campagne. 
 Les  environs  de  Makassar  sont  bas  et  souvent marécageux ;  
 des  ruisseaux  coulent  çà  et là :  aussi la campagne  est-elle très-  
 fertile et paraît assez bien cultivée. Elle est,  en général, dépourvue  
 d’arbres, mais  de  loin en loin  on  rencontre des oasis  charmantes  
 où  s’élèvent,  au  milieu  de  bouquets  de  cocotiers,  ces  
 pittoresques maisons  de  bambous,  si  fraîches et si  saines,  élevées  
 de quelques pieds  au-dessus du sol. 
 Notre  chasse  fut  assez  heureuse ;  les marécages nous fournirent  
 de belles  poules sultanes bleues  au  bec  de  corail,  des  gla-  
 réoles,  des  hérons.  Dans  les  champs  volaient  des  milliers  de  
 bengalis.  Maître Salusse  en  tua  dix-sept  d’un  seul  coup.  Dans  
 les bosquets nous tuâmes de beaux  loriots,  des  gobe-mouches ,  
 des  tourterelles,  des  stournes  à  reflets  métalliques,  etc.  On  
 trouve  aussi  dans  les  champs  la  petite  perdrix  de  la  Chine,  
 ayant à peine la  grosseur d’un moineau. 
 Le  soleil  montait  sur  l ’horizon,  la  chaleur  devenait  accablante  
 ,  et Tappétit se faisait sentir :  nous gagnâmes  le plus prochain  
 bosquet,  et nous  étalâmes nos provisions sur l’herbe. Nos  
 porte-gibecières,  envoyés  à  la découverte  avec  quelque  monnaie  
 , revinrent bientôt  portant de fraîches noix de  cocos et d’énormes  
 ananas.  Ici  eut  lieu  un  déjeuner  dont  je  vous  épargne  
 les  détails  :  tout  chasseur  y  suppléera  facilement.  J’ajouterai  
 seulement qu’il  fut suivi du  cigare  et de la  sieste. 
 NOTES. 335 
 Lorsque nous nous remîmes en marche, nous nous dirigeâmes  
 vers un  immense marécage  rempli de joncs et de hautes herbes,  
 et s’étendant à  perte  de  vue.  Nous  allions  y  pénétrer,  lorsque  
 les  enfants qui nous accompagnaient  voulurent  nous  en  empêcher  
 ;  ils  nous  tiraient  par  nos  vêtements,  en  nous  regardant  
 d’un  air  effrayé ;  ils  ouvraient  la  bouche et  faisaient  claquer  
 leurs dents,  simulant  en  un mot  un  animal qui dévore.  Nous  
 ne  comprenions  rien  à  ce  manège,  et  nous  ne pouvions  nous  
 imaginer quel animal pourrait nous  dévorer dans  ces roseaux  :  
 néanmoins ,  après avoir  fait quelques  pas ,  voyant que nous  enfoncions  
 dans  la  vase  jusqu’à mi-jambe,  nous  nous  rendîmes  
 aux  sollicitations  de  nos  intéressants  guides,  et  suivîmes  une  
 autre direction. 
 Bien nous en prit ;  car, une demi-heure après ,  nous  vîmes de  
 loin un groupe de plusieurs personnes  réunies  autour d’un objet  
 dont  les  mouvements  paraissaient  inspirer  de  la  terreur  aux  
 femmes et aux enfants,  car  ils  s’éloignaient  de  temps  en  temps  
 avec  vitesse,  et  revenaient  avec  appréhension.  Nous  étant  approchés, 
   nous  reconnûmes  avec  surprise  un  crocodile  d’une  
 assez  grande  taille  :  il  était  solidement  attaché  autour d’une  
 grosse branche d’arbre ,  avec des lianes qui  l’entouraient depuis  
 le museau  jusqu’à l’extrémité de la  queue ,  et s’opposaient à  ses  
 mouvements.  De temps  en  temps il se contractait  avec  fureur. 
 Le marécage  où  nous  voulions  pénétrer  était  rempli  de  ces  
 animaux. 
 J’achetai  celui-ci  moyennant  une  piastre.  Deux  hommes  le  
 chargèrent sur  leurs  épaules  et  partirent avec deux  autres qui  
 devaient les relayer. 
 Nous continuâmes notre chasse, et le soir, en arrivant à bord,  
 je  trouvai mon  crocodile dans la  chaloupe ,  faisant l ’admiration  
 et le sujet des commentaires des matelots.  Ceux-ci, ne le jugeant  
 pas assez solidement attaché  avec des lianes,  l’avaient surchargé