II I
1839.
Avril.
110 VOYAGE
Pl. cxxv.
rentourent. Au fond de la baie s’ouvre le havre Dubus,
dominé par la haute montagne La Manchiri;
quelques hauts sommets s’élèvent encore dans le
fond de la baie; les terres du rivage y paraissent
plus basses et mieux accidentées, c’est là aussi
que se trouve l’embouchure de la rivière Doiirga,
dont les eaux rapides répandent la vie au milieu
d’une plaine de peu d’étendue, mais aussi d’une
rare fécondité. La vue de la baie Triton est pittoresque
, toutefois les terres escarpées qui terminent
son rivage par des falaises très-accores semblent peu
propres à la culture, et peu susceptibles d’être habitées.
En entrant dans la baie, nous distinguâmes sur la
pointe ouest d’Aidoumea une touffe de cocotiers
qui abritait quelques cases de naturels. Nous vîmes
à notre passage trois des insulaires qui sortirent de
leur demeure pour nous regarder passer, mais ils
ne firent aucun mouvement pour nous approcher,
et pour lancer à la mer une de leurs embarcations
que nous distinguions sur la plage. Une pirogue à
la voile traversait la baie au moment où nous y entrions
, mais loin de chercher à nous accoster elle se
hâta, à notre approche, de regagner la terre où elle
disparut bientôt au milieu des canaux. Partout ailleurs
la baie parut déserte, et ses rivages ne nous
montrèrent aucune trace d’habitation.
Il était cinq heures du soir, lorsque doublant la
pointe qui nous masquait le havre Dubus, nous laissâmes
tomber l’ancre par dix brasses sur un fond de
vase, la pluie commença à tomber par torrents. Une
pirogue à double balancier, montée par quelques
Papous, rôdait le long de la plage ; surprise par notre
arrivée, elle se hâta de fuir au milieu des petits îlots
détachés qui bordent la côte du havre. A notre approche
, nous vîmes distinctement ces sauvages lancer
de la fumée semblable à celle que produirait une
arme à feu dont on n’entendrait pas le bruit. C’est
sans doute un signal destiné à prévenir les habitants
de la Grande-Terre de l’approche d’un danger. Cook,
qui le premier a signalé ce singulier usage particulier
aux habitants de la Papouasie, vit les sauvages
lancer ces espèces de fusées au moment où , ignorant
la puissance des armes européennes, ils cherchaient
à enlever les navires anglais.
La pluie qui ne cessait de tomber etla nuit qui étendait
rapidement ses ombres sur le sommet des hautes
montagnes ne nous permirent pas de descendre à
terre, aussi les sauvages ne furent point inquiétés
dans leur retraite; pendant la nuit, ils s’établirent
sur les restes d’un petit môle en pierres sèches qui
se trouvait à peu de distance de nos corvettes, et le
lendemain, rassurés par nos procédés amicaux, ils
surmontèrent leur frayeur et vinrent visiter nos
navires.
Ces hommes n’ont pas d’autres vêtements qu’une
ceinture en coton ; leur teint est noir, leur taille
petite, leurs formes semblent les rapprocher du
type australien, mais leurs cheveux sont crépus,
bien qu’ils m’aient paru beaucoup moins frisés