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Mai.
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donna des preuves de son érudition en expliquant devant
nous le contenu de chacun de ces manuscrits.
11 doit en grande partie son influence à ces connaissances
, si rares chez des princes à demi barbares, et
il est à peu près le seul parmi ses sujets qui puisse lire
dans les ouvrages d’astrologie et dans les almanachs
qu’ils tiennent des Arabes; il est à peu près seul à
pouvoir consulter les pronostics des calendriers
auxquels les Malais accordent une grande confiance ,
et où se trouvent désignés les jours heureux de
l’année , et les chances de réussite des projets qu’ils
peuvent former.
Le régent m’adressa ensuite plusieurs questions sur
l’état de la France, ses lois, son gouvernement, l’étendue
de son territoire, et surtout sur sa population.
Il parut fort surpris quand il connut le chiffre énorme
auquel s’élevait cette dernière, tellement supérieure
à celle de la Hollande, qu’il s’était habitué à considérer
comme le plus grand empire de la terre. A ce
sujet il me fit une question remarquable par sa
naïveté et qui nous fit beaucoup rire : « 11 est donc
vrai, me dit-il, comme un de vos compatriotes me l’a
assuré, qu’en France les femmes font toujours trois ou
quatre enfants à la fois ? » En adoptant cette croyance,
le brave régent, tout éclairé qu’il é ta it, avait payé le
tribut des imaginations crédules à tout ce qui paraît
merveilleux. En rectifiant ses idées à cet égard,
nous fûmes certainement la cause que nos Françaises
perdirent beaucoup dans son opinion ; car parmi ces
hommes , une grande fécondité chez les femmes est
DANS L’OCÉANIE. 199
considérée comme le don le plus précieux de la nature.
Il y avait déjà longtemps que nous discourions sur ce
sujet, lorsque le r ég ent, s’adressant à M. Bousquet,
qui voulait bien me servir d’interprète, lui dit : « Mais
si ces officiers sont Français et habitants la France,
quelle est donc la patrie des Dis-Donc? » Un instant
M. Bousquet, surpris par cette question, ne sut que répondre
; je compris bien vite que la fréquence de cette
locution (dis-donc) dans notre langue, surtout chez
nos matelots lorsqu’ils s’interpellent entre eu x , nous
avait gratifiés de ce sobriquet parmi les habitants de
Célèbes. Nous rîmes encore de, bon coeur à cette demande
du régent, et nous eûmes la satisfaction d’apprendre
de lui que, si avant notre passage il n’avait
jamais entendu parler des Français, il connaissait de
longue dáteles orangs dis-donc (les hommes dis-donc).
' Le sultan de Goa possède plusieurs femmes qui
passent pour être très-belles et très-bien élevées ; on
nous assura qu’elles font ordinairement les honneurs
du palais aux étrangers, et qu’elles leur servent
le thé à la manière des Européennes. Pendant
notre visite , elles ne parurent pas ; le régent
chercha, par ses prévenances et ses attentions,
à ne nous laisser aucun regret de ce contre-temps,
il nous assura à plusieurs reprises qu’il était désolé
que son fils fût malade ; car sans cela il nous eût
reçus lui-même entouré de toutes ses femmes, qui ne
pouvaient paraître devant des étrangers sans leur
seigneur. En nous retirant, je remis au régent une
médaille en bronze de l’expédition ; il parut très-
1839.
Mai.
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