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 Mai. 
 198 VOYAGE 
 donna des preuves  de son érudition en expliquant devant  
 nous  le  contenu  de  chacun  de  ces  manuscrits. 
 11  doit en  grande partie  son  influence  à  ces connaissances  
 ,  si  rares  chez des princes  à  demi  barbares,  et  
 il est à peu  près  le seul parmi  ses sujets qui puisse lire  
 dans les ouvrages  d’astrologie  et  dans  les  almanachs  
 qu’ils tiennent  des Arabes;  il  est  à  peu  près  seul  à  
 pouvoir  consulter  les  pronostics  des  calendriers  
 auxquels  les Malais accordent une  grande  confiance ,  
 et  où  se  trouvent  désignés  les  jours  heureux  de  
 l’année ,  et  les  chances  de  réussite  des  projets qu’ils  
 peuvent former. 
 Le régent m’adressa ensuite plusieurs questions sur  
 l’état de  la  France,  ses lois,  son  gouvernement,  l’étendue  
 de son territoire, et surtout sur sa population.  
 Il  parut fort surpris quand il  connut le chiffre énorme  
 auquel  s’élevait cette dernière,  tellement supérieure  
 à  celle  de  la  Hollande,  qu’il  s’était habitué  à  considérer  
 comme le  plus  grand  empire  de  la terre.  A  ce  
 sujet  il  me  fit  une  question  remarquable  par  sa  
 naïveté  et  qui  nous  fit  beaucoup rire :  «  11  est  donc  
 vrai, me  dit-il,  comme un de vos compatriotes me l’a  
 assuré, qu’en France les femmes font toujours  trois ou  
 quatre  enfants à la fois ? »  En adoptant cette croyance,  
 le brave régent,  tout éclairé qu’il é ta it, avait payé  le  
 tribut  des  imaginations  crédules  à  tout  ce  qui  paraît  
 merveilleux.  En rectifiant  ses  idées  à  cet  égard,  
 nous  fûmes certainement la cause que nos Françaises  
 perdirent beaucoup dans  son opinion ;  car  parmi  ces  
 hommes ,  une  grande  fécondité chez  les  femmes  est 
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 considérée comme le don le plus précieux de la nature. 
 Il y avait déjà longtemps que nous discourions  sur ce  
 sujet,  lorsque  le  r ég ent,  s’adressant  à M.  Bousquet,  
 qui voulait bien me servir d’interprète,  lui dit :  « Mais  
 si ces  officiers  sont  Français  et habitants  la  France,  
 quelle  est donc  la patrie  des Dis-Donc?  »  Un  instant  
 M. Bousquet, surpris par cette question, ne sut que répondre  
 ; je compris bien vite que la fréquence de cette  
 locution  (dis-donc)  dans  notre  langue,  surtout  chez  
 nos matelots lorsqu’ils s’interpellent entre eu x ,  nous  
 avait  gratifiés  de  ce  sobriquet parmi les habitants de  
 Célèbes.  Nous  rîmes  encore  de, bon coeur à cette demande  
 du régent,  et nous  eûmes la satisfaction  d’apprendre  
 de  lui que,  si  avant notre  passage  il  n’avait  
 jamais entendu  parler des Français,  il  connaissait de  
 longue dáteles orangs dis-donc (les hommes dis-donc). 
 ' Le  sultan  de  Goa  possède  plusieurs  femmes  qui  
 passent  pour  être  très-belles et  très-bien élevées ;  on  
 nous  assura  qu’elles  font  ordinairement  les  honneurs  
 du  palais  aux  étrangers,  et qu’elles  leur  servent  
 le  thé  à  la  manière des  Européennes.  Pendant  
 notre  visite  ,  elles  ne  parurent  pas  ;  le  régent  
 chercha,  par  ses  prévenances  et  ses  attentions,  
 à ne nous  laisser  aucun  regret de  ce  contre-temps,  
 il  nous  assura  à  plusieurs  reprises  qu’il  était  désolé  
 que  son fils  fût malade ;  car  sans cela  il nous  eût  
 reçus lui-même  entouré de toutes ses femmes, qui  ne  
 pouvaient  paraître  devant  des  étrangers  sans  leur  
 seigneur.  En  nous  retirant,  je  remis  au  régent  une  
 médaille  en  bronze  de  l’expédition  ;  il  parut  très- 
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