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dans toutes les autres possessions hollandaises; il n ’a que peu ou
point d’argent. S’il est gêné dans son industrie ou soumis à quelque
taxe, il ira chercher plus loin une nouvelle station de
pêche. Les Anglais ont donc perdu leur temps et leur argent en
occupant la baie Raffles : leur établissement, fondé en 1826 et
déclaré port franc, n’en est pas moins resté un pays sauvage ,
désert et inculte, la franchise d’un port ne suffit pas toujours
pour y conduire des chalands ; si le pays ne produit ni vivres ni
denrées commerciales, et s’il manque de consommateurs, il ne
saurait attirer les marchands. La colonie, après quelques an nées
d’une chétive existence, fut évacuée en 1832 ou 1833.
Nous continuâmes notre excursion autour de la baie, longeant
le rivage d’aussi près que possible, sans trouver la moindre
apparence de rivière ou ruisseau. Arrivés au fond de la
baie, nous entrâmes par un chenal oblique dans une rivière
qu’on avait vue la veille et où le commandant nous avait précédés
; les eaux en étaient salées, quoique la marée fût presque
basse. Après avoir franchi la barre, nous trouvâmes un canal
vaseux dont le cours sinueux s’enfonçait dans les bois ; sa largeur
était de vingt à vingt-cinq pieds et sa profondeur de six à
huit pieds. La chaloupe avait remonté la veille ce courant sans
trouver de l’eau douce, nous eûmes de la peine à le remonter
avec le petit canot ; il fallut redescendre pour n’être pas laissé
à sec par la marée basse sur la barre. Trois ou quatre naturels
parurent sur le bord de la rivière, ils nous firent quelques
signes pour nous attirer dans les b o is, où nous aperçvimes un
autre groupe de sauvages; nous ne les connaissions pas assez
pour nous aventurer sans armes au milieu d’eu x , et nous avions
autre chose à faire : il était déjà m id i, et nous n’avions pas
encore trouvé d’eau potable. La chaleur était accablante, nous
nous bâtâmes de visiter un petit golfe situé à l’ouest de la rivière
sans avoir plus de succès dans nos recherches, après quoi
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nous traversâmes la baie pour aller relâcher sur une île boisée
qui se trouve près de la côte orientale. Nous trouvâmes sur cette
île quelques grands arbres dont i’écorce lisse est sans doute celle
que les naturels emploient pour fabriquer leurs mauvaises pirogues.
Ces arbres sécrètent un suc gommeux très-abondant. On
trouve dans les forêts une autre espèce d’arbre d’où découle
une résine d’un brun rougeâtre qui pourrait peut-être trouver
son emploi dans les arts ou dans la médecine......
Les praos employés à la pêche du tripang sont de grands bateaux
de cinquante à soixante mètres de longueur,dont la carène est d’une
assez bonne construction, mais les oeuvres mortes ou l ’accastillage
sont si hauts sur l’eau et tellement surchargés de tillacs,
de cabines ou de baraques, qu’on suppose d ’abord ces bateaux
beaucoup plus grands qu’ils ne le sont réellement. La partie la
plus remarquable est une dunette assez grande, traversée à la
hauteur du pont par une forte poutre ou bau qui déborde de
trois à quatre pieds à l’extérieur du prao ; une gorge circulaire
creusée dans la partie postérieure de ce bau sert à recevoir de
chaque côté un gouvernail dont la mèche est maintenue par
une cravate en rotin ; des liens de même matière servent à tenir
le gouvernail vertical plongé dans l ’eau pour la navigation, ou
à le soulever hors de l’eau pour le mouillage. Chaque bateau a
ainsi un gouvernail de chaque côté qui se manoeuvre au moyen
d’une barre dirigée sur l’arrière, devant une grande porte ou
sabord percé dans la dunette ; les pilotes ou timonniers, assis
dans leur cabine , manoeuvrent avec le pied la barre de chaque
gouvernail : un compas de route pas plus grand que nos bous-
soles de poche est établi entre les deux gouvernads.
Le prao n’a pas de pont, mais au-dessus de la cale à l’eau
et de la soute au tripang, depuis la dunette jusqu’au mât de
misaine , règne un plancher fait avec des baguettes de bambou,
surmonté d’une toiture en nattes, qui forme ainsi une sorte d’en