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 258  NOTES. 
 dans toutes  les autres possessions hollandaises;  il n ’a que peu ou  
 point d’argent.  S’il  est gêné dans son industrie  ou soumis à quelque  
 taxe,  il  ira  chercher  plus  loin  une  nouvelle  station  de  
 pêche.  Les Anglais  ont donc perdu leur temps  et leur  argent en  
 occupant la  baie  Raffles  :  leur  établissement,  fondé  en  1826  et  
 déclaré  port  franc,  n’en  est  pas  moins resté  un pays sauvage ,  
 désert et inculte,  la  franchise  d’un port  ne  suffit  pas  toujours  
 pour y conduire des chalands ;  si le pays  ne produit ni  vivres  ni  
 denrées  commerciales,  et s’il  manque de  consommateurs,  il ne  
 saurait  attirer  les  marchands.  La  colonie,  après  quelques  an nées  
 d’une  chétive  existence,  fut évacuée en  1832  ou 1833. 
 Nous  continuâmes  notre excursion  autour  de  la  baie,  longeant  
 le  rivage  d’aussi près que possible,  sans  trouver  la moindre  
 apparence  de  rivière  ou  ruisseau.  Arrivés  au  fond  de  la  
 baie,  nous  entrâmes par  un  chenal  oblique  dans  une  rivière  
 qu’on  avait  vue la  veille  et où le  commandant  nous  avait précédés  
 ; les eaux  en étaient salées,  quoique  la marée  fût presque  
 basse.  Après  avoir  franchi  la  barre,  nous  trouvâmes  un  canal  
 vaseux dont  le  cours  sinueux  s’enfonçait  dans  les  bois ;  sa  largeur  
 était  de vingt à  vingt-cinq  pieds  et  sa profondeur  de  six  à  
 huit pieds.  La  chaloupe  avait remonté  la veille ce  courant  sans  
 trouver  de  l’eau  douce,  nous eûmes de la peine  à  le  remonter  
 avec  le  petit  canot ;  il  fallut  redescendre pour n’être  pas  laissé  
 à sec  par la marée  basse sur  la barre.  Trois  ou  quatre naturels  
 parurent  sur  le  bord  de  la  rivière,  ils  nous  firent  quelques  
 signes  pour  nous  attirer dans  les  b o is,  où  nous  aperçvimes un  
 autre  groupe  de  sauvages;  nous  ne  les  connaissions  pas  assez  
 pour nous aventurer sans armes au milieu d’eu x , et nous avions  
 autre  chose  à  faire  :  il  était  déjà  m id i,  et  nous  n’avions  pas  
 encore  trouvé  d’eau potable.  La  chaleur  était accablante,  nous  
 nous bâtâmes  de  visiter  un petit  golfe  situé  à  l’ouest  de  la  rivière  
 sans  avoir plus de  succès dans nos  recherches,  après  quoi 
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 nous  traversâmes la baie  pour  aller  relâcher  sur une  île  boisée  
 qui se trouve près de la  côte  orientale. Nous trouvâmes sur cette  
 île quelques  grands  arbres dont  i’écorce lisse est sans doute celle  
 que les  naturels emploient pour fabriquer leurs mauvaises pirogues. 
   Ces  arbres  sécrètent  un  suc gommeux  très-abondant.  On  
 trouve  dans  les  forêts  une  autre  espèce  d’arbre  d’où  découle  
 une résine d’un  brun rougeâtre qui  pourrait  peut-être  trouver 
 son emploi dans les arts  ou  dans  la médecine...... 
 Les praos employés à la pêche du tripang sont de grands bateaux  
 de cinquante à soixante mètres de longueur,dont la carène est d’une  
 assez bonne  construction,  mais les  oeuvres  mortes  ou  l ’accastillage  
 sont si hauts  sur l’eau  et tellement  surchargés  de  tillacs,  
 de cabines  ou de  baraques,  qu’on suppose d ’abord ces  bateaux  
 beaucoup plus  grands qu’ils  ne le  sont  réellement.  La partie la  
 plus  remarquable est  une  dunette  assez  grande,  traversée  à  la  
 hauteur  du  pont par  une  forte poutre  ou  bau qui  déborde  de  
 trois  à quatre pieds  à  l’extérieur  du prao ;  une  gorge  circulaire  
 creusée  dans  la  partie  postérieure  de  ce bau  sert à  recevoir  de  
 chaque  côté  un  gouvernail  dont  la  mèche  est  maintenue  par  
 une  cravate en  rotin ;  des  liens de même matière servent  à  tenir  
 le  gouvernail  vertical plongé dans  l ’eau  pour  la navigation,  ou  
 à le  soulever  hors  de  l’eau pour  le mouillage.  Chaque bateau  a  
 ainsi un  gouvernail de  chaque côté  qui  se manoeuvre au moyen  
 d’une  barre dirigée  sur  l’arrière,  devant  une  grande  porte  ou  
 sabord  percé  dans la  dunette ;  les  pilotes  ou  timonniers,  assis  
 dans leur  cabine , manoeuvrent avec  le  pied la barre de chaque  
 gouvernail  :  un  compas  de  route  pas  plus grand  que  nos bous-  
 soles de poche  est établi  entre les deux  gouvernads. 
 Le  prao n’a pas  de  pont,  mais  au-dessus  de  la  cale  à  l’eau  
 et de la  soute  au  tripang,  depuis  la  dunette  jusqu’au mât  de  
 misaine ,  règne un plancher fait avec des baguettes de bambou,  
 surmonté d’une toiture en nattes, qui forme ainsi  une  sorte d’en