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 1839. 
 Mai. 
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 194 VOYAGE 
 Malgré la  station navale  que  le  gouvernement hollandais  
 entretient  toujours  sur  les  côtes  de  Célèbes  
 ( outre  le  brig  le  Siva  il  y  avait  encore  une  goélette  
 de  guerre  mouillée  sur  la  rade),  il  paraît  que  
 les pirates  de  Bornéo  viennent  quelquefois  jusqu’en  
 vue  de Makassar,  où  ils  ont  enlevé  plusieurs  praos.  
 Les  habitants de Célèbes  eux-mêmes sont des pirates  
 audacieux  et  cruels  et  sont  aussi  fort  redoutés;  
 cependant  ce  détroit  n’en  est  pas moins  fréquenté  
 tant par les baleiniers qui passent d’une mer à l’autre,  
 que  par  les navires qui  vont  en  Chine  ou  qui  en  reviennent  
 à  contre-mousson;  je crois  bien  que  notre  
 canot aurait pu sans  danger s’aventurer  seul  dans  ce  
 bras de mer et en  sonder la profondeur, mais  comme  
 j’avais  peu de temps à consacrer  à  cette  opération et  
 que  par  suite ,  la mission  que j’aurais  pu  confier  à  
 M.  Demas  devenait  peu  importante,  je  crus  devoir  
 renoncer à mon projet. M.  Bousquet parut  applaudir  
 à cette résolution,  tant  sa méfiance  était  grande  envers  
 ces  hommes  qu’il  était appelé  à  gouverner. Son  
 séjour à bord de VAstrolabe fut de peu de durée ;  après  
 avoir  parcouru  avec  intérêt les  cartes  et  les  dessins  
 déjà terminés de notre  expédition,  il se rendit à  bord  
 de  la Zélée  au bruit  des  onze  coups  de  canon  dont  
 VAstrolabe  le  salua  et  qui  furent  immédiatement  
 rendus par  les  batteries  du  fort Botterdam. 
 M. Bousquet avait fixé au lendemain à quatre heures  
 du  soir l’heure du rendez-vous pris pour  notre visite  
 au sultan de Goa,  un des plus fidèles  alliés de  la Hollande  
 ;  nous  trouvâmes  en  effet  des  voitures  et  des 
 chevaux  de main,  préparés  pour tous  ceux  de messieurs  
 les  oificiers  qui  voulurent  faire  partie  de  
 la  caravane;  quant  à moi,  je  préférai,  ainsi  que  
 M. Jacquinot,  la place qui m’avait  été  réservée  dans  
 une voiture. Une compagnie de lanciers était destinée  
 à nous  servir  d’escorte;  elle  se  partagea  en  deux  
 corps,  et bientôt nous  nous mîmes en route.  Le trajet  
 de Makassar à Goa est environ de  sept milles,  tout  
 en  plaine;  tant  que  nous  fûmes  sur  le  territoire  
 hollandais,  enclavé  de  tous  côtés dans  les  domaines  
 du  sultan,  nous  cheminâmes  sur  une  route  unie  
 et  assez  bien  entretenue;  mais  au  delà  de  cette  
 limite,  le chemin n’était plus tracé que par les  pas des  
 hommes  et  des  chevaux,  aussi  nos  voitures  éprouvèrent  
 de  terribles  cahots,  et  il fallut  toute  l’adresse  
 dont  les  cochers  malais  sont doués,  pour nous  permettre  
 d’arriver  sans accidents.  La  plaine  que  nous  
 traversâmes était couverte des deux côtés du  chemin,  
 par  des champs  de  riz  presque  à  l’état  de maturité.  
 Nous  rencontrâmes  de  temps  à  autre  des  indigènes  
 des deux  sexes occupés à  ramasser les épis qui  étaient  
 mûrs,  et dont  ils  coupaient  la  tête  avec  une  espèce  
 de  couteau  exclusivement  destiné  à  cet  usage.  On  
 m’assura  à  ce  sujet  que  les  indigènes  ne  laissaient  
 jamais  chômer  le  terrain  destiné  à  la  culture  du  
 riz.  Nous  étions  à  l’époque  de  la  récolte ;  aussitôt  
 qu’elle allait être terminée,  les  cultivateurs  devaient  
 confier de nouvelles  semences à  la  terre  pour  qu’elle  
 pût produire une nouvelle récolte  au mois d’octobre. 
 Enfin  nous  arrivâmes  au  village  de  Goa ;  ses mai- 
 X'I.'vl  
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