Û'! ;
'ii ' , I
ii I
bal nous attendaient chez le résident. Nous avions à visiter les
plantations de muscadiers et le cratère du volcan ; nous nous
divisâmes en deux bandes : Tune, composée des naturalistes et
de plusieurs officiers, se mit en route à six heures du matin, et
commença bientôt son ascension sur les flancs calcinés du Gou-
nong A p i (montagne de feu); pour moi, peu désireux d’aller me
faire rôtir par le brûlant soleil qui nous dardait ses rayons
presque verticalement sur la tête, et par la flamme et la cendre
du volcan , je préférai Texcursion plus paisible des muscadiers :
en conséquence nous partîmes du bord à six heures et demie ;
le gouverneur et le résident nous rejoignirent bientôt. Leur
canot était escorté par cinq grandes pirogues, magnifiques
embarcations pavoisées de banderolles aux couleurs brillantes
et armées de vingt à trente pagayeurs, vêtus de vestes et de pantalons
de soie de couleurs tranchantes ; au beau milieu de
chacune des pirogues se tenait un guerrier , le casque en tête
et le buste couvert d’une cuirasse de carton ; il se démenait
comme un beau diable au son cadencé d’un gong et prenait
toute espèce de positions guerrières avec les grimaces les plus
féroces qu’il pût imaginer. Ces embarcations volaient sur l’eau ,
au grand chagrin de nos matelots, qui forçaient sur leurs avirons
à les casser, furieux de se voir dépasser par de pareils
coquins.
A huit heures, nous vînmes atterrir dans une jolie petite crique,
sur la grande Banda, et devant une charmante maison dont le
propriétaire vint nous recevoir sur la plage : c’était un des plus
riches planteurs de Tîle. Devant la façade de la maison étaient
rangés les palanquins et nos porteurs ; après avoir pris un premier
déjeuner, attendu que nous avions une longue course à
faire, nos commandants , le gouverneur , le résident, s’assirent
chacun dans un bon fauteuil de rotin et furent immédiatement
enlevés sur les épaules de dix vigoureux Malais ; après eux nous
prîmes les nôtres, et toute la colonne partit au grand trot des
porteurs. Nous traversâmes d’abord un joli village. Nous avions
à gravir une pente fort rude, et je plaignais de tout mon coeur
les pauvres diables qui nous portaient sur leurs épaules , lorsque
je fus tout étonné de voir se dérouler devant'nous un magnifique
escalier de plus de cent marches ; nos porteurs, sans
s’arrêter un moment pour reprendre haleine, le montèrent au
trot, et nous nous trouvâmes en un moment sur un magnifique
plateau et au milieu de la plus admirable forêt que Ton puisse
imaginer : c’étaient des arbres gigantesques s’élevant à plus de
cent pieds de hauteur et couronnés d’une immense touffe de
verdure impénétrable aux rayons du soleil. C’est sous cer abri
que croît le muscadier.
Le muscadier est un joli arbre qui n’atteint jamais une
grande élévation : il a la forme d’une pyramide ; sa feudle,
petite et o vale, est d’un vert tendre. Tous ceux sous lesquels
nous passions étaient chargés d’un joli fruit jaune oblong et de
la grosseur d’un petit abricot ; le fru it, fendu dans sa longueur,
laissait voir une pellicule du plus beau rouge : cette pellicule
est le macis, il enveloppe la noix de muscade. Après deux heures
d’une pi’omenade délicieuse, nous arrivâmes devant une grande
maison d’exploitation ; nos porteurs nous mirent doucement à
terre et nous suivîmes M. de Stuers , qui nous conduisit sur un
vaste balcon ; là, nous nous arrêtâmes en extase devant l’admirable
panorama qui se présentait devant nous.
L’oeil planait sur un magnifique bassin parsemé d’îles et
d’îlots ; devant nous le volcan projetait une énorme colonne de
fumée qui se détachait en blanc sur le ciel du plus bel azur ;
nous apercevions comme des points nos camarades qui s’accrochaient
des pieds et des mains pour arriver au cratère, à nos
pieds la mignonne petite ville , et tout autour de nous l’immensité.
Goupil avait son album , il dessina un charmant croquis.
. .;{ .
.'iiti
■'A'
Rt: