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 le  plaisir  qu’il  témoigna  de  nous  recevoir  dans  
 son  gouvernement,  nous  lièrent  bientôt  d’amitié.  
 M.  Bousquet  est  un  homme  d’esprit ;  il  s’exprime  
 parfaitement  en  français  ,  et  sa  conversation  est  
 remplie  d’intérêt.  Il  m’apprit  que  le  pavillon  français  
 paraissait  rarement  sur  la  rade  de  Makassar;  
 cependant  il  y  avait  environ  trois  semaines  qu’un  
 de  nos  navires  de  commerce  était  venu jeter  l’ancre  
 devant  la  ville,  afin  de  s’y  procurer  des  provisions;  
 il  venait  d’Europe  et  il  allait  en  Chine  où  la  présence  
 de  la  flotte  anglaise  pouvait  faire  espérer  
 un  heureux  placement  de  sa  cargaison.  La  corvette  
 hollandaise  le  Triton  que nous  avions  déjà  rencontrée, 
   à  Amboine  et  ensuite  à  Banda  où  elle  nous  
 avait précédés, était attendue chaque jour à Makassar.  
 Elle  avait à  opérer le  sauvetage  d’une  partie  du matériel  
 de  la  corvette  hollandaise  le  Van  Speak  qui  
 avait échoué il  y avait deux ans  sur  un bas-fond dans  
 le détroit de Salayer  et  qui,  pour  s’alléger,  avait  été  
 obligée  de  jeter  à  la mer  toute  son  artillerie.  Cette  
 corvette, après son  échouage,  avait  été trouvée tellement  
 endommagée qu’elle fut condamnée à ne jamais  
 reprendre  la  mer;  elle  n’a  plus  d’autre  usage  que  
 de  rester  sur  la  rade  de  Batavia,  où  elle  sert  de  bâtiment  
 stationnaire. 
 Je  m’entretins  encore  quelques  instants  avec  
 M.  Bousquet  du  sultan  de Solo,  dépouillé  et  détenu  
 comme  prisonnier  à Amboine  par  le  gouvernement  
 de Batavia.  Comme m o i,  M.  Bousquet  plaignait  son  
 sort,  et  même  il  condamnait  la  rigueur  du  gouvernement  
 vis-à-vis  de  ce  prince  détrôné ;  toutefois  
 il me  fit  remarquer  que  cette  sévérité  avait  été  provoquée  
 par  la  conduite  très-équivoque  de  ce  chef  
 pendant  la dernière  guerre ;  il  parait  qu’il  avait  été  
 sur  le  point  de  s’allier  avec Dipo-Nigoro,  l’ennemi 
 juré  de  la  compagnie. 
 Le  fameux  chef  de  Java,  qui  en  1828  fut  sur  le  
 point de soulever toute la population de l’île contre les  
 Hollandais,  et  qui  leur  fit  une  guerre  opiniâtre,  
 Dipo-Nigoro,  est  gardé  dans  le  fort  de  Makassar  
 comme  prisonnier i il y est soumis  à une surveillance  
 des  plus  rigoureuses ; il ne lui  est pas permis  de franchir  
 l’enceinte  du  fort  Botterdam,  et  l’oificier  de  
 garde  a  reçu  à  cet  égard  les  ordres  les  plus  sévères.  
 Chaque  jour  il  doit  visiter  plusieurs  fois la demeure  
 du  sultan  détrôné,  afin  de  s’assurer  qu’il  ne  s est  
 point évadé. Malgré  toutes  ces mesures  vexatoires  et  
 inutiles, imposées aux autorités deMakassar sous peine  
 d’encourir  un  blâme  sévère  du  gouvernement  de  
 Java,  Dipo-Nigoro  supporte son exil et son emprisonnement  
 avec la plus  grande résignation ;  il reconnaît  
 qu’il  mérita  la haine  des Hollandais  en  cherchant  à  
 affranchir de leur domination un peuple qui n’était pas  
 digne de suivre son impulsion, et en essayant une oeuvre  
 plus impossible encore, celle de rendre à une dynastie  
 dégénérée,  entourée  d’une  cour  aussi  dissolue  que  
 l’était celle  de Surakarta,  le sentiment  de  sa dignité. 
 Je  ne quittai  point M.  Bousquet  et sa famille  sans  
 nous  promettre  mutuellement  de  nous  revoir  souvent  
 ,  et  j’acceptai  une  invitation  à  dîner  pour  le 
 1839. 
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