
 
        
         
		F^^nrr 
 1839. 
 Avril. 
 VOYAGE 
 'S ;; ; 
 Comme  nous  pûmes  nous  en  convaincre  plus  tard,  
 uñe  de  ces  habitations  contenait  un  grand  nombre  
 de  femmes. 
 «  Sans  doute,  ce  chef  craignait  que  nos  intentions  
 ne  fussent de  pénétrer  dans  cet  intérieur,  car  
 aussitôt  qu’il  comprit  que  nous  ne  voulions  point  
 du  tout  violer  l’asile  des  femmes,  mais  seulement  
 suivre  la  cérémonie  qui  se  passait  à  bord  du  prao,  
 il  ne  fit  plus  d’objections,  il  poussa  même  la  courtoisie  
 jusqu’à  nous  introduire  lu i-m êm e   dans  sa  
 maison  dont  il  nous  fit  les  honneurs.  Cette  habitation  
 ,  entièrement  construite  en  bambous,  était  élevée  
 d’environ  deux  mètres  au-dessus  du  sol.  On  y  
 arrivait au moyen d’une  échelle qui aboutissait à une  
 des  quatre  ouvertures  qui  y  sont ménagées.  A  l’intérieur  
 se  trouvait  une  galerie  sur  laquelle  étaient  
 étendues des  nattes  servant  de  lit.  Sur  cette  galerie,  
 on  avait  formé  au moyen  des  cloisons  un petit  compartiment  
 dans lequel  se tenaient la femme du chef et  
 ses  enfants  pour  qui  nous  étions  un  grand  sujet  de  
 terreur. 
 « Nous  restâmes  peu  de  temps  dans  cette  habitation  
 et nous nous rendîmes au rivage,  oû nous  retrouvâmes  
 le prao et les danseurs. Un d’eux, qui paraissait  
 être  un  des  principaux  acteurs,  s’était  porté  sur  le  
 balancier  de  l’embarcation  pour  exécuter  ses  pantomimes  
 ;  le  gong  résonnait  plus  fort  que  jamais,  
 les  danseurs  poussaient  des  cris  étourdissants,  lorsque  
 la  porte  de  la  maison  qui  nous  était  interdite  
 s’ouvrit  pour  donner  passage  à  plusieurs  jeunes 
 femmes, qui se dirigèrent de  notre côté vers  le  prao.  
 Elles  portaient  aux  danseurs  deux  assiettes  dans  
 l’une  desquelles  je  crus  reconnaître  du  feu ;  l’autre  
 contenait une  espèce de  pâte blanche que  je ne  connaissais  
 point encore.  Le danseur  qui  était  sur  le balancier  
 accepta  le  cadeau  de  ces  dames,  celles-ci  
 allèrent  se  joindre  à  la  troupe  et les  danses  et  les  
 cris  continuèrent  plus  que  jamais.  De  temps  en  
 temps,  ces  hommes  exténués  de  fatigue,  buvaient  
 à  tour  de  rôle  dans  un  gobelet  de  cuivre  de  l’eau-  
 de-vie de genièvre que les Malais importent en grande  
 quantité  dans  ces  île s ,  et  dont  nos  danseurs  parari-  
 saient  avoir  une  bonne  provision.  Enfin,  ils  paraissaient  
 être  dans  tout  le  paroxysme de  la gaieté,  lorsqu’une  
 vieille femme, sortant de l’habitation interdite,  
 apporta  à  cette  troupe harassée une  assiette de riz  et  
 une  soucoupe  pleine  d’eau.  Aussitôt  le  gong  se  tut,  
 les  danseurs  s’arrêtèrent,  et  après  avoir  dévoré  ce  
 maigre  repas,  ils  quittèrent  leur  prao  pour  entrer  
 tous  ensemble  dans  la  case  d’oû  étaient  sorties  les  
 femmes;  la  porte  se  referma  sur-le-champ,  et  du  
 dehors  nous  n’entendîmes  plus  que  quelques  voix  
 de  femmes,  et de  nombreux  cris  d’enfants qui  semblaient  
 attester que cette habitation mystérieuse, dont  
 la porte devait nous être toujours fermée, contenait la  
 plus grande partie de la population féminine du village. 
 « Dès  cet  instant,  il  ne  resta plus  autour  de  nous  
 que  quelques  hommes  qui  s’attachèrent  à  nos  pas.  
 Ils  tenaient à  la main  quelques-unes  de  leurs armes  
 dont ils cherchaient à trafiquer. 
 ■I;  k j 
 r