1839.
M a l.
son s, disséminées sur une grande étendue , ne présentaient
nullement l’aspect d’une capitale. Rien n’aurait
pu nous faire reconnaitre non plus dans la case
qui nous fut désignée comme étant celle que le sultan
habitait, le palais d’un puissant prince de Célèbes.
Comme toutes les autres habitations qui composaient
le village, la maison du sultan était construite en
bambous et en bois de sagoutier ; elle ne comportait
qn’un seul é tage, élevé sur pilotis ; seulement 1 é-
chelle qui sert ordinairement d’escalier aux cases des
naturels avait été remplacée par un pont de bambou
en forme de plan incliné. Nous fûmes reçus par le
régent ; il nous accueillit avec une politesse pleine
de dignité, au nom de son fils q u i, étant malade,
n’avait pu nous recevoir lui-même.
Les lois ou plutôtles coutumes del’île Célèbes accordent
aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes ;
c’est là une anomalie frappante chez des peuples mahométans
, dont la religion assigne un rôle si infime
au sexe féminin. Du reste, cette anomalie s’étend ailleurs
que dans l’ordre politique ; car à Célèbes les
femmes paraissent être avec les hommes presque sur
un pied d’égalité ; e t , sous ce rapport, le peuple de
Makassar paraît être bien supérieur aux autres Malais.
Quoi qu’il en soit, le roi de Goa tient son autorité
de sa mère par suite de son abdication ; son
père n’a conservé que le titre de régent ; mais il
est resté le souverain de fait : car son fils, trop jeune
encore pour gouverner lui-même, est resté sous la
tutelle de son p è r e , qui a continué de gérer exnil
clusivenient son royaume avec beaucoup de sagesse.
Nous fûmes introduits dans une grande salle assez
mal meublée, mais parfaitement disposée pour y entretenir
des courants d’air qui y apportent une bonne
fraîcheur. Nous prîmes place autour d’une longue
table à côté du régent. Celui-ci était entouré de ses
panguems ( princes ), qui remplissaient auprès de lui
les fonctions de pages et de domestiques. Les sujets
du sultan de Goa regardent encore comme une grande
marque d’honneur d’être appelés à servir leur souverain
et maître. Ces hommes, comme tous les naturels
de cette partie de Célèbes, se distinguaient des
autres races malaises par la blancheur de leur peau ,
leur taille élevée, et une supériorité physique remarquable;
leurs traits annonçaient aussi une intelligence
supérieure.
Après nous avoir fait servir du thé à la mode hollandaise
, le régent nous montra avec orgueil quelques
médailles qui lui avaient été envoyées par le roi
des Pays-Bas, son allié ; ensuite il nous fit voir sa
bibliothèque, composée de quelques manuscrits écrits
dans la langue parlée aujourd’hui à Makassar, et dans
l’ancien idiome, qui a des rapports intimes avec le
sanscrit. L’antique civilisation des Indous avait certainement
pénétré dans cette île bien avant le mahométisme
; on en retrouverait probablement les traces
non-seulement dans les manuscrits, dans les lois
écrites, mais encore dans les monuments encore
existants , et qui seraient aujourd’hui un sujet
curieux d’études pour im antiquaire. Le régent nous
1839.
Mai.
li.l