et rassuré d’un autre côté sur nos intentions désintéressées
à l’égard de ses femmes, il devint notre
am i, il improvisa une fête en notre honneur ; il
nous assura qu’il voulait être lui-même notre guide
pour la nuit, et que même il irait armé de son
fusil afin de nous seconder. Il est vrai qu’il mettait
pour prix à toutes ces gracieusetés la possession
des foulards désirés, et je n’avais garde de les lui
abandonner; je connaissais le caractère avide de
ce chef, et je savais que nous ne devions compter
sur lui qu’autant que nous aurions la possibilité de le
récompenser des services qu’il était en position de
nous rendre.
« Safi-Rouddin s’étant constitué notre guide nous
devions suivre ses avis. Il nous prévint que le moment
de la chasse ne serait favorable que lorsque la
lune se lèverait et viendrait éclairer la plage ; jusque
là il nous engagea à nous reposer et nous indiqua
des nattes pour nous y étendre. Lui-même nous
donna l’exemple en se couchant à nos côtés, ce
dont franchement nous nous serions bien passés.
« La chambre où nous étions était vaste, le plancher
était fait avec des bambous très-rapprochés,
mais qui faibles et faciles à ployer, s’ébranlaient en
entier toutes les fois que quelqu’un y montait. Dans
un coin se trouvait un espace réservé, séparé par
une cloison, et qui, je crois, communiquait par une
échelle avec l’étage supérieur où se trouvaient probablement
les femmes composant le harem de notre
Orang-Kaya.
« Nous avions à peine pris place sur les nattes qui
nous étaient destinées que nous vimes entrer une
dizaine d’esclaves papouas, porteurs de deux tambours
et d’un tam-tam avec lequel ils faisaient un
tapage horrible. Ils se formèrent en rond ; puis cet
orchestre barbare exécuta un morceau de chant du
plus bruyant effet. Nos oreilles saignaient surtout,
lorsque après le récitatif prononcé par un seul des
assistants, tous ces sauvages répétaient en choeur le
refrain en criant de toutes leurs forces, de manière à
couvrir le bruit assourdissant du tam-tam et des tambours.
Ce fut au son de cette musique étrange que
Safi-Rouddin et son fils se mirent à exécuter une espèce
de danse espagnole, en cherchant à mériter nos
applaudissements. Ces premiers acteurs n’occupèrent
la scène que peu de temps, ensuite ils cédèrent
la place à un esclave papoua, qui chanta seul sur un
ton très-lent et très-nasillard une romance de son
pays; en même temps qu’il parcourait le centre de
l’appartement en sautant et en faisant maintes contorsions
avec son derrière. Cette danse sans caractère
, ne nous amusa guère plus que la première, et
elle finit aussi par enmxyevVOrang-Kaya, qui à notre
grande joie donna l’ordre à ses esclaves de se retirer
et de nous laisser en repos.
« Il était plus de minuit, presque tous les habitants
du village s’étaient groupés autour de ce
bruyant orchestre, mais sur le premier signe de
Safi-Rouddin la foule s’écoula rapidement, et nous
laissa enfin seuls en tête - à - tête avec lui et quel1830.
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