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végétation qui rappelle , sinon par le nombre des espèces , au
moins par sa vigueur, la puissance végétative des forêts du
Brésil.
Vers la côte de la Nouvelle-Guinée , sur notre passage, nous
rencontrons d’abord les îles Arrou. Ce sont des terres basses que
la mer semble aussi avoir abandonnées depuis un petit nombre
de siècles. Cependant la végétation n’y est pas moins belle qu’à la
Nouvelle-Guinée. L’île Wama’'^ est entièrement formée de coraux
; jusque dans l’intérieur les accidents du sol sont dus à leur
présence : ils y ont conservé les formes bizarres qu’ils affectaient
lorsqu’ils étaient encore battus par les flots. Dans une
foule d’endroits ils forment des grottes d’étendue variable où la
mer brisait jadis et s’élançait en gerbe à travers les trous dont
leur voûte est percée. Nulle part on ne peut mieux voir qu’à
Wama le mode de construction suivi par les lithophytes : les
murailles qu’ils élèvent sont tissées de telle sorte que l’eau aérée
des vagues puisse tamiser à travers les ramifications innombrables
de leur tissu poreux. L’humus n’a point encore complètement
recouvert les inégalités de ce lieu , et pourtant il est paré
d’une magnifique végétation : les Ptérocarpus y atteignent l ’énorme
élévation de cent cinquante pieds ; leurs racines rampent
sur la roche calcaire et vont s’enfouir dans les anfractuosités et
les fentes des rochers à quelques dizaines de pieds de l’arbre
qu’elles alimentent. Ces îles doivent cette puissance végétatrice
à leur position géographique , qui est comprise dans la sphère
d’activité météorologique des hautes terres de la Nouvelle-
Guinée.
Nous n’avons pas vu l’oiseau de paradis dans ces forêts, où
se rencontrent pourtant un grand nombre d’espèces propres à
la Nouvelle-Guinée. Nous y avons capturé le lori écaillé ou
* Le lieu de notre relâche aux lies Arrou.
flamméché, fort rare encore dans les collections. Nous y avons
tué deux serpents, le pythonfemiteiuset le python amethistinus*.
Nous abordâmes la Nouvelle-Guinée sur l’isthme de Geel-
wink, dans la baie duTriton. L’aspect du tableau que présente ce
lieu est sévère : de tous côtés ce sont des falaises en démolition ,
des pics s’élèvent jusqu’aux nues. Cette puissance végétative,
autant que ce sol tourmenté, rappelle la côte du Bi'ésil. Au
fond de la baie domine le mont Du Bus ; une rivière coule à sa
base; ses flancs creusés par les siècles figurent des ruines de portiques
gigantesques et des restes de colonnes ; sur chaque bloc
prêt à se détacher, sur la moindre inégalité vit un palmier : cet
arbre de 50 à 60 pieds croît là comme les fougères sur les vieux
murs , et son énorme tronc, que l ’on croirait d’abord n ’être
autre que celui du diplazium arborescens, apparaît autour de
ce dôme imposant comme des rangs super.posés de petites colonnes
gothiques surmontées de chapiteaux aux immenses acanthes.
Ce mont est entièrement composé de grès blanc du grain le
plus fin et le plus serré ; dans les fentes nombreuses qui le sillonnent
, se trouvent de très-beaux cristaux de chaux phosphatée.
Quelques îlots et quelques revers de montagnes sont couverts
d’une terre argileuse d’un beau rouge : elle doit cette couleur aux
basaltes en décomposition qu’elle cache aux yeux ; enfin, chose
remarquable I la base décharnée de plusieurs rochers escarpés,
surgissant çà et là au milieu de la rade, est entièrement formée
, comme à Wama, de calcaire coralifère. La baie du
Triton est une de ces fractures ou cratères de soulèvement auxquels
l’archipel Indien doit la plupart de ses hautes terres et
de ses canaux tortueux. Mais partout où les terrains d’allu-
vion s’accumulent, les coraux cessent de pouvoir exister, ils recherchent
en effet les eaux limpides ; ainsi, la présence de leurs
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* Ils furent dus à M. H. Jacquinot.
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