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1830
.\M-il.
94 VOYAGE
nos bords respectifs vers cinq heures, riches d’une
foule d’objets de toute espèce. Le grand canot de la
Zélée, parti la veille avec MM. Dumoulin et Coupvent
pour aller explorer le canal qui sépare l’ile
Wakan de Trana, venait de rentrer. Ces messieurs
avaient eu des communications intéressantes avec
les naturels de l’intérieur de l’ile, et je passai ma
soirée à entendre leurs récits pendant que l’on faisait
tous les préparatifs de l’appareillage pour le len demain.
« La veille, à six heures du matin , dit M. Dumoulin,
nous mimes notre canot à la voile; une heure
après nous atteignîmes le village malais. Là nous aperçûmes
un golfe immense, formé par la réunion des
îlesMeikor, Trana, Babi, Wama et Wakan. Quelques
stations géographiques nous arrêtèrent peu de temps,
et aussitôt après nous commençâmes l’exploration de
cette petite mer intérieure, dont le rivage ne présente
à peu près partout qu’une forêt de palétuviers baignant
leurs pieds dans les eaux de la mer. Nous n’avions pas
encore perdu de vue le camp des Bouguis et les navires
hollandais, mouillés au fond du havre, que la
pluie tomba par torrents. Forcés de chercher un abri,
nous fûmes quelque temps embarrassés pour trouver
sur tout le pourtour du golfe oû nous étions un peu
de terre pour y poser le pied. Enfin, sur l’île du fond
(Trana), nous aperçûmes une petite plage et une
touffe de cocotiers ; nousyconduisîmesnotre embarca^
tion,maisla terre était déserte, et ce fut sous une tente
improvisée en quelques minutes que nos matelots
établirent leur camp. Quant à nous, trempés jusqu’aux
os, nous attendîmes que la chaleur du soleil
vint sécher nos habits. Bientôt nos hommes
eurent allumé un feu sous la tente, les provisions
du bord furent placées dans une marmite, et chacun
attendit impatiemment l’heure du repas. De
beaux régimes de cocos pendaient aux cimes des
arbres au-dessus de nos têtes; j’ai dit que la terre
était déserte, nous pouvions donc nous regarder
comme les propriétaires de ces fruits. En un instant,
nos gabiers les plus alertes eurent embrassé les
troncs des arbres en cherchant à s’y cramponner de
manière à en atteindre les branches. C’étaient là de
vigoureux lutteurs essayant leurs forces sur ces nouveaux
mâts de Cocagne pour gagner un prix auquel
nous devions tous avoir une part. Mais la pluie avait
rendu les troncs des cocotiers, si glissants, que tous
leurs efforts furent vains. Ce fut une tristesse générale
dans notre camp improvisé lorsqu’il fallut partager
notre modeste repas en présence de ces magnifiques
fruits que nous ne pouvions atteindre ; bientôt
cependant la pluie vint à cesser, le soleil se montra
sur l’horizon, en un instant notre tente fut levée et
nous pûmes reprendre la mer.
» Nous étions près de l’entrée du canal que nous
voulions explorer, lorsque la nuit nous fit songer à
chercher un gîte. Nous nous trouvions alors dans
un espace assez resserré, entouré de tout côté par
d’immenses palétuviers, dont les racines étaient sous
l’eau ; nous n’apercevions aucunes traces d’habitants.
1839.
Avili.