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 1W9. 
 Mai. nous  avait  arrêtés  la  veille  dans  notre  course  sur  
 la  plage.  M.  Lafond  ouvrit  le  feu ;  à  trois  reprises  
 différentes  il  tira  à bout  portant  trois  cochons qu’il  
 ne  put  cependant  empêcher  de  regagner  la  forêt.  
 Un  de  ces  animaux  vint  dans  l’obscurité  heurter  
 le  tronc  du  cocotier  derrière  lequel  je  me  tenais  
 en  embuscade,  il  reçut  mes  deux  balles  à  moins  
 d’un  mètre  de  distance ;  il  poussa  un  cri  et  s’échappa  
 dans  la  forêt  en  emportant  avec  lui  les tampons  
 en  feu  de mes deux  coups  de  fusil  qui s’étaient  
 fourrés  dans  ses  chairs.  Enfin  un  cochon  plus gros  
 que  tous  les  autres  passa  encore  près  de  moi  à une  
 distance  de  moins  de  trois  mètres.  Je  fis  feu ,  et  
 aussitôt  l’animal  blessé  se  rua  sur  moi,  en  me  
 portant  un  coup  de  bouttoir.  Heureusement  je  me  
 trouvai  garanti  par  mon  arbre  protecteur;  d’un  
 second  coup  de  feu  je  lui  brisai  l’épine  dorsale  et  
 le  démontai  de  son  train  de  derrière.  Malgré  ces  
 blessures  ce  furieux  animal  persista  à  s’avancer  
 vers moi en  se  servant  seulement de  ses deux  pattes  
 de  devant,  mais  alors  je  pus  fuir  ses  défenses  et  
 donner à  M.  Lafond  le  temps  d’arriver  pendant  que  
 je  rechargeai  mon  arme.  Épuisé  par  la  perte  du  
 sang  et  succombant  sous  la  douleur  de  ses  blessures, 
   il  ne  tarda  pas  à  s’arrêter.  L’obscurité  était  
 telle  que  M.  Lafond  qui  accourait  de  mon  côté  
 vint  presque  le  heurter  sans  le  v o ir ,  et  faillit  être  
 victime  de  sa  précipitation.  L’animal  blessé  se  releva  
 sur  ses jambes  de  devant  et  lui  porta  un  coup  
 de  bouttoir  qui  déchira  ses  habits  sans l’atteindre. 
 DANS  L’OCÉANIE.  169 
 Deux  coups  de  fusil  qu’il  lui  tira  ensuite  dans  la  
 tête  et  à  bout  portant  ne  suffirent  point  encore  
 pour  l’achever,  son  agonie  se  prolongea  presque  
 jusqu’au  jour.  Le  bruit  qu’il  faisait  en  se  débattant  
 était  effrayant,  aussi ma  chasse  se  termina  là ;  
 seulement  au  point  du  jour  j’aperçus  un  chien  qui  
 vint  rôder  autour de moi ;  sans  doute il  venait aussi  
 chercher  sa  nourriture  dans  les débris  apportés  par  
 les  eaux  sur  le  rivage,  son  imprudence  lui  coûta  
 cher  :  croyant  faire  feu  sur  un  cochon,  je  l’ajustai  
 et  je ne  reconnus  mon  erreur  que  lorsqu’il  se  mit  
 à  fuir  en poussant  des  cris  affreux  arrachés  par  la  
 douleur. 
 « H  y  avait  déjà longtemps que j’entendais le matelot  
 Boutin,  que  nous  avions  placé sur  la  rivière,  
 nous  appeler  de  toutes  ses  forces,  et  nous n’avions  
 garde  de  lui  répondre  dans  la  crainte  de  donner  
 l’éveil  au  gibier  en  trahissant  notre  embuscade  ,  
 enfin  il  se  mit  à  chanter  à  tue-tête.  J’ignore  si  les  
 cochons  éprouvaient  beaucoup  de  frayeur  en  entendant  
 cette  voix  humaine  résonner  à  l’entrée  de  
 la  forêt  à  cette  heure  indue,  mais  ce  qu’il  y  a  de  
 certain,  c’est  que  leurs  cris  au  milieu  des  bois,  
 son  isolement  sur  les  bords  de  la forêt qui leur servait  
 de  repaire,  impressionnèrent  vivement  notre  
 homme  qui  trouva  la  partie  fort  peu  de  son  goût;  
 il  va  sans  dire  que  Boutin  et  les  cochons  ne  purent  
 se  rencontrer et  que  notre  chasseur  improvisé  
 ne  brûla  pas  une seule  amorce. 
 «  D’un  autre  côté,  M.  Ducorps  se  lassa  prompte- 
 1839. 
 Mal.