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quand la nuit arriva ils se disposèrent à regagner
leurs cabanes.
A six heures du matin je m’embarquai dans ma
y o le , MM. Jacquinot et Dubouzet se joignirent à moi
avec l’embarcation du capitaine de la Zélée, et tous
ensemble nous nous dirigeâmes vers l’embouchure
de la rivière Dourga. Nous eûmes bientôt franchi la
barre, sur laquelle il ne reste pas trois mètres d’eau,
et qui ferme la rivière à tout navire d’un plus fort
tirant d’eau. A mesure que nous avançâmes ensuite
nous rencontrâmes un courant de plus en plus rapide;
enfin, après avoir parcouru l’espace de deux
milles, nous finîmes par nous arrêter. Le courant
était alors si rapide q u e , malgré les efforts de nos
matelots et la légèreté de nos embarcations, nous
l’étalions à peine; nous l’estimâmes à quatre à cinq
noeuds. Il est fâcheux que cette rivière soit aussi
rapide, car sans cela il est probable qu’il eût été
possible de remonter son cours à une grande distance ;
ses eaux paraissent très-profondes, la sonde nous accusa
constamment de trois à quatre brasses.
Rien n’est plus majestueux que la vue de ses bords,
couverts par dès arbres s’élevant à laliauteur de plus de
soixante mètres. Souvent leurs feuillages touffus viennent
se mêler de l’une à l’autre rive, et forment de magnifiques
voûtes de verdure sous lesquelles on jouit
d’une fraîcheur très-agréable. C’est surtout sur ces
bords que la végétation paraît riche et vivante ; nulle
part on n aperçoit une plage qui ne soit envahie par
ces immenses végétaux, dont les troncs unis par
des milliers de lianes forment comme deux murailles
entre lesquelles s’écoulent les eaux bourbeuses
de la rivière. De temps à autre, à travers les
éclaircies des branchages, on apercevait les sommets
élevés des montagnes environnantes; chaque coude
de la rivière offrait des points de vue variés à l’infini
et toujours d’un effet magnifique. L’embouchure
est envahie par les palétuviers ; sur les bords
je remarquai de grands ficus, des muscadiers couverts
de fruits garnis d’un macis rouge et brillant
comme ceux qui se récoltent à Randa, mais ils ont
une forme oblongue, et ne possèdent pas 1’arome
qui en fait le mérite. J’y vis encore des palmiers
de toute espèce et de grandes fougères arborescentes
qui s’épanouissaient avec grâce. Du milieu
de ces beaux arbres s’échappaient des volées de pigeons
huppés d’une très-grande envergure, des perruches
et des callaos géants, dont le vol pesant faisait
un bruit semblable à celui d’un bateau à vapeur
battant l’eau avec ses palettes. On entendait à chaque
instant le cri rauque des paradisiers; souvent nous
apercevions les callaos perchés aux sommets des
arbres et brisant avec leurs becs les branches qui
imitaient en tombant le bruit qu’aurait produit une
compagnie de bûcherons chargés d’abattre une partie
de la forêt.
Je me serais volontiers arrêté quelque temps sur
ces bords, où la nature étalait un luxe tout particulier,
mais nulle part il n’était possible d’aborder sur
la rive ; on voyait partout une vase molle et humide
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