nant celle ci de la main gauche, ils donnent de la main droite un
mouvement violent au système ; aussitôt que la lance est abandonnée
à elle-même, elle quitte Tindex sur lequel elle était superposée
et part en sifflant ; mais quelle que soit l’habitude qu’ils
possèdent de ces armes, je doute beaucoup de leur adresse.
J’acceptai leur cadeau, leur donnant en échange quelques
couteaux et autres bagatelles qui parurent vivement les satisfaire
; mais je m’aperçus bientôt que, tout sauvages qu’ils étaient,
ils connaissaient quelques-uns des vices de la civilisation : celui
des trois qui paraissait le plus intelligent s’adressa à moi et prononça
le mot brandy, indiquant par un geste qu’il voulait en
boire ; je lui promis de lui en donner, si à son tour il nous indiquait
où nous pourrions prendre de l ’eau douce, car le patron
venait de me prévenir que de six barils d’eau que nous avions
emportés du navire, il n’en restait plus que deux et demi ; j’avais
ordonné immédiatement de ne pas en distribuer sans mon ordre ;
n’ayant point encore trouvé de ruisseau et ayant encore deux
jours à passer dans le détroit, il était nécessaire de mettre l’équipage
à une ration fort limitée , afin de ne pas nous trouver
en danger de manquer d’e a u , ce qui nous serait infailliblement
arrivé sous un soleil aussi desséchant. Je fus parfaitement compì
is , et aux signes de joie manifestes par les sauvages, je vis
qu’ils avaient bon espoir de boire à mes dépens ; ils indiquèrent
la forêt, où je les suivis avec deux barils : nous entrâmes dans
le taillis, et après avoir marché quelques centaines de pas , nous
trouvâmes un sentier a peine battu qui nous conduisit bientôt à
une prairie dégagée d’arbres, au milieu de laquelle deux puits
creusés, de quatre à cinq pieds de profondeur, présentaient quelques
pouces d une eau assez sale et boueuse ; à notre approche ,
un kangourou , que probablement le même besoin avait amené
au même beu, s’élança et disparut en quelques bonds dans la
forêt. Jugeant qu il serait trop long de remplir les deux barils,
je proposai à l’un des naturels de s’embarquer dans le canot,
et comme je traversais le canal pour faire une ligne de sonde, il
nous conduirait sur Tîle Croker, à un endroit où il y avait une
belle eau dont il m’avait indiqué la direction, qui s’accordait
parfaitement avec mes projets ; il accepta sans hésiter et se plaça
sur l’avant du canot ; nous partîmes, et deux beures après je
faisais une station sur l ’île Croker. Le terrain où nous accostâmes
était pierreux et desséché, quelques bouquets d’arbres
jetés çà et là indiquaient des parties plus fertiles et plus arrosées
; c’est vers un de ces oasis que nous conduisit notre guide :
à quelques pas de la mer, au milieu de belles graminées, se
trouvait une eau claire et limpide dont rien n’indiquait l’origine,
au milieu de ces terrains arides et brûlants ; sa fraîcheur était
délicieuse ; comme je m’étais déshabillé pour descendre à terre
au milieu de la vase , je me plongeai un instant dans l’eau tandis
que les barils se remplissaient, et les belles graminées qui s’élevaient
vigoureuses en cet endroit favorisé abritaient et dépassaient
nos têtes. La sensation de plaisir que j’éprouvai fut
courte, mais délicieuse ; elle ne peut être comprise que par ceux
q u i, comme moi, ont passé des journées entières exposés à
un soleil perpendiculaire qui darde ses rayons sur vos têtes___
Là notre guide nous quitta.
Le travail s’était trouvé plus long que je ne l ’avais pensé :
dix-huit milles de canal à sonder et quarante milles de côtes à
leveroen trois jours ne me laissaient pas de temps à perdre.
Nous avions établi nos feux sur la plage ; en furetant autour
de notre bivouac, les matelots découvrirent deux pirogues en
écorce d’arbre assez grossièrement travaillées et pouvant contenir
deux personnes au plus, même par un temps calme ; nous les
respectâmes comme appartenant à des naturels probablement
établis dans l ’intérieur de l’île.
Nos amis du matin ne nous avaient pas perdus de vue, car
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