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1839.
Mai.
VOYAGE
« Le festin dura au moins trois quarts d heure ;
la gravité des cinq convives ne se démentit pas un
seul instant, tels ils s’étaient mis à table, tels ils en
sortirent.
« Cep en dant le s v o itu r e s q u i d ev a ien t c on d u ir e
le m a r ié chez sa fu tu r e , a tten d a ien t à la porte e x té r
ieu r e du lo g is : le h é ro s de la fête se l e v a , ch a cu n
d es a ssistan ts lu i fit place ; sa d ém a r ch e u n p eu d é lib
é r é e n ’avait au cu n e n o b le s s e , e t je n e p u is r é e lle m
en t pas m ieu x la comparer q u ’à c e lle d’u n m an an t
de nos contrées.
« Avant de quitter la maison paternelle, le jeune
homme, suivant l’usage, courut trouver sa mère qui
l’attendait dans une chambre séparée, pour lui annoncer
une continuation de respect et de reconnaissance.
« On m’expliqua cette cérémonie essentiellement
morale selon m o i, en me disant que la loi le rendait
maitre et héritier des biens de son père et qu’il pouvait,
si bon lui semblait, chasser de chez lui^ la
femme à laquelle il devait le jour. Je ne sais si 1 on
m’a trompé à cet égard, mais j’ai trouvé dans cette
promesse qu’il faisait en public un palliatif puissant
qui détruisait en grande partie tout ce que la loi
avait d’inique et d’absurde. Quel est le fils qui oserait
venir à la face de toute une population accuser et condamner
sa mère?
« En sortant de sa chambre, le fiancé monta en
voiture avec les quatre g a r ç o n s d’honneur, et quand
tous les parents ou amis en eurent fait autant, un
pétard, qu’on alluma aussitôt, annonça son départ
pour la maison de sa fiancée.
« Alors commença une promenade lente et longue
au milieu de cris confus, d’acclamations de toute
sorte et du tapage d’une foule d’instruments.
« Après une bonne heure de marche, le cortège
arriva devant la maison de la fiancée. L’époux fut
reçu à sa descente de voiture par un de ses garçons
d’honneur, sans doute parent ou frère de sa femme,
qui l’introduisit dans l’intérieur après lui avoir
fait le salut d’usage : ce salut consiste à élever les
mains et à les porter vers le fond du logis ; on le
répète deux fois et ceux qui l’échangent, changent
de côté.
« Après l’introduction des cinq principaux personnages
, c’est-à-dire, du fiancé et de ses quatre garçons
d’honneur, l’épouse envoya à son futur maître une
tasse de thé que lui apporta un jeune enfant, dont la
démarche enfantine avait besoin d’être soutenue par
un serviteur de la maison. Chacun des quatre nouveaux
venus, ayant reçu également une tasse, après
s’être salués avec toute la gravité possible, ils burent
en même temps par un mouvement d’ensemble.
« En prenant la tasse de thé qu’on lui offrait sur
un plateau d’argent, l’époux glissa dans ce dernier
un morceau de papier, chargé de caractères dont
j’ignore la signification.
« Le même envoi se répéta trois fois de suite et
enfin, dans un quatrième, on offrit des confitures,
des fruits en sucre, parfaitement imités, etc. etc.
1839.
Mai.