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 lions.  A  si.x  heures,  le  canot  rentre  à  bord,  apportant  
 avec  lui  un  beau  serpent  de  1  mètre  à  1,50,  
 de  longueur  qu’on  a  trouvé  endormi  sur  la  surface  
 de  la  mer,  et  dont  on  s’est  emparé.  Ce  reptile  ne  
 semble  se  réveiller  de  sa  torpeur  que  lorsque,  
 déjà  entre  les  mains  de  nos  naturalistes,  ceux-ci  se  
 disposent  à  le  mettre  dans  l’esprit-de-vin ;  il  présente  
 alors  une  large mâchoire  bien  armée  et paraît  
 très-dangereux.  Vers  le  soir,  nous  avons  le  cap  à  
 rouest-sud-ouest,  et  nous  faisons route  pour  la  baie  
 Bafles. 
 Mais déjà les vents  ont varié,  après  une journée  de  
 calme,  ils  sautent  au  nord-ouest  par  fortes  rafales.  
 Toutefois ma  détermination  une  fois  prise,  rien  ne  
 devait plus m’en faire varier,  aussi, malgré  ces vents  
 qui,  quelques jours  auparavant,  m’eussent  définitivement  
 engagé dans  le détroit  de  Torrès,  je  persiste  
 à  gagner  dans  l’ouest  en  louvoyant  contre  les  vents  
 contraires.  Si  un  instant  j’éprouve  des  regrets  d’avoir  
 abandonné  mon  projet,  ils  ne  sont  point  de  
 longue  durée.  Le  15  au  soir  l’horizon  paraît  tout  en  
 feu,  je  n’avais  jamais  vu  de  ma  vie  autant  d’électricité  
 dans  les  nuages ;  sur  un  point  de  l’horizon  
 les  éclairs  ne  cessent  de  sillonner  les  nues  
 sans  interruption,  on  dirait  un  vaste  incendie  d’où  
 partent  d’énormes  fusées  lançant  leurs  étincelles  
 jusques  au  ciel;  le  lendemain,  les  vents  toujours  
 à  l’ou e st,  soufflent  avec  fureur  et  nous  forcent  
 fréquemment  d’arriser  les  huniers  déjà  au  bas  ris.  
 La  mer  se  creuse  et  fatigue  fortement  nos  pauvres 
 corvettes  qui  eussent  été  infailliblement  détruites  
 si  ces  mauvais  temps  les  eussent  surprises  au  milieu  
 des  récifs  du  détroit.  Les  pluies  fréquentes  
 qui  accompagnent  les  grains viennent  encore  ajouter  
 aux  ennuis  de  cette  pénible  traversée.  Cependant  
 la  mer  nous  offre  d’abondantes  pêches,  il  ne  
 se  passe  pas  de  jour  que  nos  pêcheurs  ne  harponnent  
 quelques  marsouins,  et  que  quelques  requins  
 ne  se  laissent  prendre  à  l’émérillon.  C’est  à  peine  
 si  nous  avons  pu  compter  quelques  heures  d’un  
 temps  assez  beau  depuis  notre  abandon  du  détroit  
 de  Torrès,  lorque  la  journée  du  23  nous  amène  
 en  vue  de  la  petite  île  New-Year,  terre  basse  et  
 boisée  que  nous  perdons  bientôt  de  vue  en  courant  
 une  bordée  au  large  avec  un  temps  toujours  
 détestable. 
 Enfin, le  27,  au jour  naissant,  la  vigie  signale  la  
 terre  qui  s’étend  du  sud-est  au  sud-ouest  à  environ  
 neuf milles  de distance.  La  côte de  la Nouvelle-Hollande  
 présente,  vers cette  partie,  une  grande  uniformité, 
   elle  est  basse  et  boisée;  bien  que  l’horizon  
 soit des plus nets,  on ne  voit dans l’intérieur aucune  
 montagne  ni  colline  qui  domine.  Nous  laissons  sur  
 tribord  le  havre Essington  dont on aperçoit l’entrée,  
 puis nous nous dirigeons sur la baie Bafles.  Quelques  
 naturels se montrent sur la pointe occidentale  de  la  
 baie,  tandis  qu’une  vingtaine  de  barques  malaises  
 paraissent  en  sortir.  A  notre  approche  tous  ces  
 praos arborent  les  couleurs  hollandaises  et un pavillon  
 rouge,  bordé  d’un  double  liséré  bleu  et  blanc. 
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