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 1839. 
 Mal. 
 208  VOYAGE 
 du  fond,  un  espace  assez  considérable ;  là ,  se  trouvait  
 une table de  cinq couverts,  sur  laquelle  on  avait  
 réuni  les  plus  riches  productions  de  l’art  culinaire  
 chinois.  L’autel,  la table,  étaient décorés, d’ailleurs,  
 par un  assortiment  de  fleurs  artificielles,  de  branches  
 de verdure,  e t , çà et là , dans des vases en cuivre  
 doré,  brûlaient  des  parfums  qui  répandaient  dans  
 l’air cette  odeur  de  fête  et déplaisir qu’on  ne saurait  
 traduire. 
 «  Le brouhaha confus  qu’occasionnaient toutes les  
 voix  diverses  qui  se  croisaient  dans  l’espace,  s’arrêta  
 tout à  coup comme par enchantement ;  un grand  
 bruit d’instruments discordants le remplaça, et le marié  
 parut,  escorté  de  ses  quatre  garçons  d’honneur;  
 ils  se  rangèrent  tous  les  cinq autour  de  la table du  
 fond,  le  héros  de  la  fête occupant  le  haut bout  et les 
 autres  les  deux  côtés. 
 « Le  costume  du  jeune  époux  se  composait  d’une  
 robe en  soie  bleue  et  à grandes manches,  relevée çà  
 et  là  par  quelques  ornements ;  d’un  large  pantalon  
 en même  étoffe,  d’un  chapeau  chinois  en  velours  
 cramoisi  et  surmonté  d’un  floc  soie  et  or  ;  une  
 éméraude  brillante  occupait  le  sommet  de  cette  
 coiffure  conique  dont  l’effet  n’était  pas  dépourvu 
 d’une  certaine grâce. 
 «  Outre  ces  pièces  principales,  le  jeune Chinois  
 portait une  belle  ceinture en cachemire dont les  couleurs  
 brillantes  faisaient  oublier  les  chaînes  plus  
 ou  moins  riches  dont  son  col  était  surchargé :  une  
 plaque  en  argent qui  lui  prenait  le  col  et  qui  venait 
 s’arrondir sur ses épaules, à peu près comme les épaulettes  
 anglaises,  terminait  l’ensemble  de  ce  costume  
 somptueux,  il  est  vrai,  mais  dépourvu  de  grâce et  
 de  bon  goût.  Les  garçons  d’honneur étaient  habillés  
 de  la même  manière,  seulement ils  ne  portaient pas  
 cette  espèce  de  hausse-col  dont je  viens de  parler. 
 «  Quand  le  fiancé  fut  placé debout devant la place  
 qu’il  devait occuper pendant  le  festin,  on  procéda  à  
 la  bénédiction des mets.  Un  personnage que j’ai pris  
 pour un prêtre,  fit entendre quelques mots qui se perdirent  
 bientôt  dans  une  détonation  effroyable  de  
 gongs,  de  tam-tam;  le  tapage  dura  peu  heureusement  
 et  bientôt  nos  cinq  personnages,  avec  une  
 gravité  remarquable,  commencèrent  leur repas.  Le  
 plus jeune des témoins  en  fit les honneurs  en  servant  
 les  autres. 
 «  A  l’aide  de  deux  baguettes  en  baleine  dont  les  
 extrémités  étaient garnies  en  argent,  le  fiancé goûta  
 le premier seryice,  c’était  le mets  favori  des Chinois,  
 une préparation de nids d’oiseaux.  Après chaque bouchée  
 un des  convives versait de l’arak  dans de  petites  
 tasses en argent qui remplaçaient  nos verres, et tous,  
 après  avoir  élevé  les  vases,  comme  nos  prêtres  le  
 calice,  les  portaient  à leur  bouche  par  un  mouvement  
 d’ensemble. 
 «  Le  repas  me  parut  comporter  deux  services  
 distincts,  dont  chacun  fut  annoncé  aux  spectateurs  
 par une  batterie de  tam-tam  à  défoncer  les  oreilles ;  
 au  dessert, composé  de  fruits  en  sucre  parfaitement  
 imités,  on fit  un  tapage  semblable. 
 VI.  14 
 ■■/R U 
 1839. 
 Mai. 
 LIL'