
 
        
         
		1830. 
 Février. 
 nous  fallut  chercher  notre  route malgré  l’obscurité; 
 « Nous n’avions pas fait grand chemin que déjà nous  
 étions  loin  de  toute  végétation,  et  devant  nous  se  
 dressait  le  cône  que  nous  allions  gravir,  dont l’arête  
 faisait,  avec  la  verticale,  un  angle  de  60  degrés  au  
 plus. 
 «  Deux  natures  distinctes  semblent  caractériser  
 le  terrain  de  la  montagne  :  sa  base  est  garnie  à  la  
 surface  par  d’énormes  blocs  de  lave  et  de  basaltes,  
 recouverts  d’un  peu  de  terre  végétale,  et  à  travers  
 lesquels  surgissent  les  pauvres  arbustes  qui  y marquent  
 la  vie ;  mais à mesure  que  l’on  avance,  les arbustes  
 disparaissent,  la  lave  se  trouve  à  nu  sur  le  
 so l,  et présente des  saillies tranchantes sur lesquelles  
 il  faut poser  le  pied avec d’autant plus  de  précaution  
 que  le  moindre  faux  pas  peut  entraîner  la  rupture  
 d’un  membre.  Plus  loin  le  sol  devient  mobile;  des  
 cendres  semées d’énormes  pierres noires  vomies  par  
 le cratère,  rendent  la marche  plus  difficile  encore,  
 mais  aussi  moins  dangereuse ;  souvent  le  sol sur  lequel  
 on  a  appuyé  le  pied  se  divise,  et  d’énormes  
 cailloux  ébranlés roulent  avec  fracas  jusqu’aux  pieds  
 du  volcan  avec  une  vitesse  effrayante.  Nous n’étions  
 pas  encore  arrivés à  la moitié de la hauteur que nous  
 voulions atteindre,  lorsque M.  Gourdin,  qui  relevait  
 de maladie,  sentit  ses  forces  l’abandonner,  et  nous  
 demanda  à  rester  en  arrière.  Le  jour  commençait  à  
 poindre;  nous  avions  tout  intérêt  à  terminer notre  
 ascension  avant que  le  soleil  vînt  nous  écraser  de  sa  
 chaleur  torréfiante;  toutefois  la  prudence  exigeait 
 (îu’aucun de nous ne restât en arrière, car les pierres,  1839. 
 ^  Février. 
 qui à chaque  instant se  détachaient  de  nos pieds, auraient  
 pu  écraser  l’imprudent  retardataire  :  aussi  
 nous  nous  empressâmes  de  ralentir  notre marche,  
 tous  nos  guides  durent  aider  notre  camarade  souffrant, 
   et  ce fut avec joie  que  nous  nous retrouvâmes  
 tous  réunis sur le sommét de la montagne  après trois  
 heures  d’une  marche  pénible. 
 « Gomme  toutes  les  montagnes  volcaniques  le  
 Gounong-Api  est  terminé par un  cône  renversé d’environ  
 quatre-vingts  mètres  de  largeur  sur  vingt  à  
 vingt-quatre mètres  de  profondeur.  Ge  fut  là que  se  
 trouva  l’embouchure  du volcan  auquel  sans doute  la  
 montagne  dut  sa  formation.  Aujourd’hui  du  sable  et  
 du  gravier  garnissent  le  fond  de  ce  cratère  entièrement  
 éteint. Le thermomètre placé sur le sol et même  
 enfoncé  de  quelques  pouces  dans  la  terre  n’accusa  
 que vingt-sept degrés ; mais par opposition,  les  pourtours  
 de  ce  cône  renversé paraissent  encore  en  feu,  
 de nombreuses fumeroles s’en échappent et répandent  
 à  l’état de  vapeur  une grande  quantité  de  soufre qui  
 se  condense  ensuite  et  vient  se cristalliser  en  beaux  
 prismes  d’un effet remarquable.  Sur plusieurs points  
 la  chaleur  inhérente  au  sol  est  tellement  forte  que  
 le  soufre qui  s’y  condense  reste  à  l’état  liquide.  Nos  
 guides,  qui  ont les  pieds  nus,  ne  traversent  qu’avec  
 peine  ces  lieux  embrasés,  et  nulle  part  le  thermomètre  
 n’accuse  moins  de  quarante  degrés  sur  les  
 pourtours  de  ces  foyers.  Partout  sous  nos  pas  le  
 sol  résonne  comme  si  une  couche  peu  épaisse  de 
 é r