que ceux des naturels du havre Dorei que j’avais vus
dans mes précédents voyages. Plusieurs, parmi eux,
ont un teint assez clair qui se rapproche de celui des
Malais, et paraissent être d’unsangmêlé. Ce sontbien
des Papous, mais des habitants des côtes; ils parlent
un peu la langue malaise et ils paraissent habitués à
fréquenter les Européens et leurs navires. Ils apportent
avec eux quelques petits présents de poissons et
coquilles, pour se faire bien venir, mais ils se montrent
peu empressés d’accepter nos objets d’échanges.
Un d’e u x , dont le teint presque cuivré dénote l’origine
malaise, et qui parle cette langue , se hâte
de nous questionner pour savoir si notre intention
était de planter nos tentes comme les Hollandais dans
la baie Lombo (nom qu’il donne à notre mouillage).
Notre réponse que nous venions gratuitement explorer
le pays parut d’abord le surprendre beaucoup,
cependant elle parut aussi pleinement le satisfaire,
car il s’empressa de la communiquer à ses camarades
qui n’entendaient pas le malais, et dès ce moment
nous fûmes les meilleurs amis du monde. En se retirant
nos Papous offrirent de conduire à terre dans
leurs pirogues quelques-uns de nos officiers qu’ils
dirigèrent ensuite dans leur chasse à travers la forêt.
Ces malheureux sauvages sont exposés sans cesse aux
descentes que les Malais et surtout les habitants des
Moluques font sur leurs côtes, afin de se procurer des
esclaves. Pour eux, la venue des étrangers sur leurs
terres cache souvent un danger, et leur premier
mouvement est presque toujours de fuir dans leurs
montagnes lorsqu’ils aperçoivent un prao ou un navire
gagner le mouillage du havre. Nous apprîmes
de nos visiteurs que, environ six lunes ( ils comptent
par lunes ou mois lunaires) avant notre arrivée,
une tribu de Papous de l’ouest avait fait à Fimpro-
viste une irruption sur leur territoire, et que les ennemis
avaient saccagé les villages dont ils s’étaient
rendus facilement maîtres, emmenant avec eux en
esclavage la plus grande partie des habitants. L’orateur
papou, qui nous donnait ces détails, ajouta que
le petit nombre de ceux qui avaient échappé à ce
désastre avaient été frappés de terreur en voyant
nos corvettes s’avancer dans la baie, et qu’ils avaient
fui dans la montagne. Quant à lu i, habitué depuis
longtemps à fréquenter les blancs, il n’avait pas eu
peur, mais que lui et ses compagnons seraient les
seuls qui oseraient venir visiter nos navires. Sans
doute notre homme se vantait un peu, mais il
considérait comme un exploit de s’être aventuré
au milieu de nous ; sa version paraissait exacte, car
toute la baie était à peu près déserte, et en effet
pendant tout notre séjour nous n’aperçûmes pas les
habitants. Sa confiance lui fut profitable : il échangea
facilement et avec avantage des arcs, des flèches et
quelques ornements; on lui donna de l’eau-de-vie
qu’il avala comme un amateur, malgré la qualité
Norang islam (de mahométan) qu’il se donnait,
et lorsqu’il nous quitta il était d’une humeur charmante.
Le paysage de la baie Triton nous avait paru grau-
VI. 8