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1839.
Juin.
224 VOYAGE
profondeur, à trois milles au moins de la côte, et à sis
milles environ de la petite île Poulo-Datoii, à l’entrée
de la rivière de Banjer-Massing.
Le mouillage que nous occupions était loin d’être
bon ; défendu seulement par Tanjong-Salatan des
vents d’e s t , il eût pu nous être fatal, si nous eussions
été assaillis par quelques grains poussés par les
vents d’ouest. Les -alisés sont tellement réguliers,
surtout à cette époque de la saison, que j’étais parfaitement
rassuré. Dans la soirée, la pluie tomba en
abondance, aussi je'renvoyai au lendemain la visite
que je voulais faire à la terre de Bornéo.
A six heures du matin, j’expédiai les deux grands
canots des corvettes, sous les ordres d’un officier,
pour porter à terre MM. les naturalistes, l’ingénieur
et les officiers chargés des chronomètres. Il tombait
une pluie fine qui menaçait de rendre impossibles les
observations de toute espèce. Cependant, vers dix
heures, le temps se leva, et alors je me décidai à
aller faire une promenade à terre , en compagnie du
capitaine Jacquinot.
Dans ce même moment, un prao malais portant
pavillon hollandais se détacha de la côte ; il paraissait
sortir de la rivière de Banjer-Massing, et se diriger
dans le sud-ouest. Il ne fit aucune tentative pour
s’approcher de nous ; le courant semblait l’emporter
avec rapidité.
Nous accostâmes la terre sur une belle plage de
sable, sur laquelle nous trouvâmes nos observateurs
occupés à profiter de quelques rayons de soleil qui
DANS L’OCÉANIE. 225
parvenaient jusqu’à eux. Je voulus ensuite m’enfoncer
un peu dans l’intérieur de la forêt, mais je rencontrai
des marais fangeux qui m’arrêtèrent à quelques
pas du rivage. Toute cette terre paraît envahie
par les eaux, qui viennent couvrir le pied des arbres
et y entretiennent de vastes marécages couverts d’une
herbe très-haute et très-épaisse. La côte seule paraît
élevée de quelques pieds au-dessus du niveau de la
mer ; mais cette bande a trop peu de largeur pour
être habitable. On n’y rencontre aucun arbre fruitier
qui puisse y nourrir des habitants : aussi la plage
paraît-elle totalement déserte.
Nous revenions vers nos canots, lorsque j’entendis
tirer dans cette direction plusieurs coups de
fusil à la fois ; j’accourus pour reconnaître le motif
de cette fusillade, et j’appris qu’un énorme caïman
venait de montrer sa large gueule à la surface
de la mer, tout auprès de nos embarcations. MM. les
officiers avaient essayé de l’atteindre avec des balles,
mais inutilement ; il avait aussitôt plongé pour se
montrer de nouveau à la surface des eaux, et ensuite
il avait disparu tout à fait. En comparant la longueur
de son corps à celle de ma baleinière, près
de laquelle il se trouvait, quelques-uns l’estimèrent
à quinze pieds, d’autres à vingt. Quelle que soit la
part que l’on fasse à l’exagération, il faut cependant
conclure qu’il atteignait de fait une grandeur
prodigieuse. Ces rivages paraissent parfaitement propres
à entretenir ces amphibies dangereux, et il est
probable qu’ils sont souvent visités par eux.
1839.
Juin.