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n’avions pas déjeuné. Nos sauvages nous suivirent quelque
temps, puis voyant qu’ils ne pouvaient rien obtenir, ils finirent
par nous laisser en paix.
Après avoir chassé toute la journée , nous revenions à bord ,
chargés de perroquets, de colombes , mais sans avoir aperçu un
seul kangourou, lorsque nous vîmes Lafarge, le fusil en joue,
marchant a pas de loup : il avait vu quelque chose de gros remuer
dans les hautes herbes ; il allait faire f e u , lorsque au lieu
de kangourou il vit se dresser devant le canon de son fusil deux
longues figures noires qui décampèrent à toutes jambes , criant
de toute la force de leurs poumons : TVattaloo! W e lle to n !
(Waterloo, Wellington ) La recommandation était jolie! mais
les pauvres diables n’y entendaient pas malice ; c’était les noms
que leur avaient donnés les Anglais. Nous ne nous attendions
certes pas à ce que deux misérables sauvages viendraient nous
jeter ces deux mots à la tête, au milieu des déserts de l ’Australie.
Plus tard, au moment où nous nous y attendions le moins,
deux kangourous partirent à dix pas de nous : ils faisaient des
bonds prodigieux, et chaque fois qu’ils retombaient, ils frappaient
sur la terre de grands coups de leur forte queue pour se
donner un nouvel élan j nous tirâmes, mais ils étaient déjà hors
de portée. En arrivant sur la plage , nous fûmes fort surpris de
voir mouillé entre les deux corvettes un petit cutter battant pavillon
et flamme britanniques. Il n’y avait pas d’embarcation à
terre ; heureusement à cent pas plus loin nous trouvâmes un
sauvage avec une petite pirogue en écorce : il avait une botte
sur le dos, j’y jetai un billet en lui montrant VAstrolabe; le
drôle me oemprit avec une intelligence que je ne lui aurais pas
soupçonnée, il pagaya vers l'Astrolabe, remit mon billet au
premier matelot qu’il vit sur le p on t, et bientôt on vint nous
chercher. Nous mourions de soif : nous avions marché pendant
douze heures sans rencontrer une goutte d’eau potable.
Le soir, nous vîmes arriver à bord deux pirogues contenant
huit ou dix sauvages. C’est bien la plus misérable race que nous
ayons encore vue : les malheureux étaient affamés et baragouinaient
le mot bread, bread; pour nous faire mieux comprendre
ce qu’ils nous demandaient, ils frappaient sur leur
ventre ci-eux à faire pitié.
Ils étaient complètement n u s, noirs comme les nègres d’Afrique,
leurs cheveux sont cependant moins laineux et leur
hideuse figure n’est pas aussi épatée ; leurs mouvements, leurs
gestes, toute leur pantomime , tout chez eux dénotait l’abrutissement
le plus complet. Leurs bras démesurément longs, leurs
jambes sèches, terminées par deux énormes pieds plats, les
faisaient plutôt ressembler à des singes qu’à des créatures humaines
; leurs épaules, leur poitrine étaient couvertes de hideuses
brûlures qui formaient une espèce de tatouage en relief. Ils se
précipitaient avec voracité sur les bribes de biscuit avarié que
nous leur jetions, et nous avions peine à fournir à leur monstrueux
appétit. Les pirogues dans lesquelles ils étaient venus à
bord étaient des troncs d’arbres grossièrement creusés, sans
voiles , et pour pagaies ils n’avaient que des morceaux de bois à
peine dégrossis. Il n’est pas de supplications que les pauvres
diables ne nous fissent pour obtenir un morceau de biscuit ; à
peine l’avaient-ils entre les mains qu’ils le dévoraient avec
voracité, comme des chiens affamés, sans le moindre signe de
remercîment. Qui croirait cependant que ces misérables brutes
nous proposassent des femmes, et cela par les gestes les plus
obscènes et les moins équivoques ?
( M. Demas. )
Note 11, page 60.
Dès le lendemain de notre arrivée, quelques naturels vinrent
à bord des corvettes dans l’espérance d’obtenir du biscuit, auii.'''''
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