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 long  de  la plage,  cherchant  à  collecter des  plantes,  
 des  insectes  et des  coquilles.  Je  ne  rencontrai  d’au-  
 trestraces d’habitations qu’un ajoupa  en mauvais état  
 et  qui  avait dû  être  construit  par  quelques  Malais,  
 dont  les praos  viennent  mouiller  sur  la  côte.  Quelques  
 empreintes  humaines  furent  aussi  remarquées  
 sur  la  plage  :  suivant  toute  probabilité,  elles  provenaient  
 des  pêcheurs  qui  doivent  souvent  faire  des  
 stations  sur  cette  plage ;  mais  je  ne  crois  pas  que  
 cette  partie de Bornéo  soit  ni  habitée ,  ni  habitable.  
 Nos  chasseurs  parcoururent le  rivage  dans  tous  les  
 sens  :  mais  ils  ne  purent  jamais  pénétrer  à plus  de  
 cent  pas  dans  la  forêt ;  ils  trouvèrent  constamment  
 leur  route  barrée  par  de  vastes marécages.  La plage  
 était garnie de fientes indiquant qu’elle  était  souvent  
 fréquentée par des sangliers ou des cochons sauvages,  
 par  des  cerfs  dont on reconnaissait  bien  l’empreinte  
 sur  le  so l,  et  enfin  par un  grand  nombre de  buffles.  
 La  fraicheur  de  ces  indices  indiquait  surtout  le  passage  
 récent  des  buffles  sur  le  littoral. 
 Il  était  plus  de  cinq  heures  lorsque  je  donnai  le  
 signal  du  départ.  Si  nous  eussions pu  facilement pénétrer  
 dans  l’intérieur  des  terres,  j’aurais passé  encore  
 vingt-quatre heures  au mouillage , pour avoir le  
 temps d’étudier les productions naturelles de Bornéo,  
 si  peu  connues ;  mais  nous  avions  parcouru  dans  
 tous  les  sens  la  bande  étroite  de  terre  limitée  
 par  les marécages  et  la  mer ;  chacun  de  nous  avait  
 été  presque  complètement  désillusionné  en  mettant 
 le  pied  sur  cette  terre  que  je  désirais  tant  étudier  :  
 aussi,  dès  le même  soir,  tous  nos  préparatifs  furent  
 faits  pour  remettre sous  voiles  le  lendemain. 
 En quittant Tanjong-Salatan, je dirigeai notre route  
 sur Batavia.  Nous ne tardâmes pas  à  rentrer  dans  les  
 mers  fréquentées  chaque  année  par  les  navires  de  
 commerce européens.  Bientôt,  en effet,  nous en rencontrâmes  
 plusieurs.  Un  d’eux,  portant  les  couleurs  
 américaines,  s’approcha de nous avec l’intention évidente  
 de communiquer : FéiaitVExchange, de Boston.  
 D'oU  venez-vous?  et  où  allez-vous?  demanda  dès  le  
 début  son  capitaine,  en me hélant  de  son bord  :  Je  
 viens  de  la mer,  et je   vais  à  la  mer,  lui  répondis-je  
 immédiatement ;  aussitôt  le  capitaine  de  ce  navire,  
 peu  satisfait  sans  doute  de ma  réponse,  fit  amener  
 son  pavillon  et  continua  sa  route.  Nos  corvettes  
 ressemblaient beaucoup,  il est  vrai, par leurs formes  
 à des  navires de  commerce ; mais  elles  étaient  pourvues  
 de leurs pavillons,  de  leurs flammes  et  guidons  
 de  commandement.  Les  demandes  de  ce  capitaine  
 eussent  été  déjà  impolies,  si  elles  eussent  été adressées  
 à  un  marchand  de  notre  nation ;  elles  étaient  
 insolentes  envers  nous  :  mes  réponses  avaient  pour  
 but  de  lui  servir  de  leçon. 
 Enfin la  vigie  signala la terre  :  c’était la pointe qui  
 limite  la rade  de  Batavia  vers  l’est.  Peu  à  peu  nous  
 découvrimes  les nombreuses  petites  iles qui  se  trouvent  
 dans  le  golfe  au  fond duquel  se  trouve  la  rade  
 de  Batavia ; et,  à trois heures du soir, nous doublâmes  
 les bancs de  sable qui garantissent le mouillage, puis 
 1839. 
 Juin.