10
nos matelots ne cessent de faire d’importantes captures.
Du reste, les calmes et les faibles brises ne nous
permettent de faire que peu de route.
Cependant le 9 la sonde ne rapporte plus que 12 à
18 brasses; quelques hirondelles viennent chercher
l’hospitalité sur nos navires et nous présagent l’approche
de la terre. En effet, dès le lendemain la vigie
annonce la terre du haut de la mâture. C’est le cap
Walsh, qui, d’après les dernières reconnaissances des
Hollandais, forme une île séparée de la Nouvelle-
Guinée ; l’eau est excessivement trouble, la sonde accuse
encore 17 brasses; mais à mesure que nous accostons
laterrC; le fond diminue rapidement. Nous ne
sondons plus que par 5 brasses, et cependant la terre
n’est encore visible que du haut de la mâture, tant
elle est basse. Elle paraît couverte de verdure ; nous
estimons sa distance à onze milles environ ; mais l’eau
n’est pas assez profonde pour pouvoir espérer d’en
approcher davantage. Nous n’avons plus que A brasses
d’eau lorsque nous virons de bord. Une lance armée
d’un fort plomb accuse po ur le fond une couche de terre
molle très-profonde, et dans l’évolution que font nos
navires pour changer leur direction, nous voyons
notre gouvernail labourer une vase très-molle et très-
noire qui laisse des traces bourbeuses derrière nous.
Les vents étant toujours à l’ouest et nous portant
sur la côte, j’avais tout à craindre des courants qui
nous poussent dans l’est ; aussi je me hâte de forcer de
toile pour nous éloigner de la terre en louvoyant, renvoyant
au lendemain pour m’engager dans le détroit.
Mais la journée suivante nous amène des vents
d’est ; la brise, faible d’abord, semble se fixer décidément
dans cette direction et accuser la fin de la
mousson d’ouest sur laquelle je devais compter pour
traverser les mille récifs qui encombrent le détroit
de Torrès ; enfin, dès le lendemain , une forte houle
venant encore de l’est semble indiquer que les vents
de cette direction sont établis dans le détroit depuis
longtemps, et dès lors je ne puis plus espérer de pouvoir
gagner le port Jackson à travers cette route déjà
si périlleuse lorsqu’on la parcourt avec les vents favorables.
La prudence me faisait un devoir de ne
point exposer mes navires à une perte à peu près
certaine pour satisfaire à une folle satisfaction personnelle.
D’un autre côté , je n’avais point renoncé à
mon idée de retourner de nouveau tenter la fortune
dans les glaces polaires. Une tentative nouvelle pour
pénétrer vers le pô le, au sud de la Tasmanie, ne
pouvant avoir lieu que dans les mois de janvier et de
février; il me restait donc, avant de rejoindre Ho-
bart-Town,' neuf grands mois que je pouvais employer
utilement à faire des reconnaissances importantes
dans le grand archipel d’Asie. Après ma
deuxième expédition polaire, il me resterait encore
toute facilité pour venir attaquer le détroit de Torrès
avec un temps favorable. Aussi , voyant les vents
toujours à l’est, mon parti est bien vite pris; un
canot est expédié à bord de la Zélée pour faire
part à M. Jacquinotde ma résolution, de mon plan
de campagne, et enfin pour lui remettre mes instruc-
12
■M' 'i • i