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1830.
Avril.
arbres majestueux dont la mer couvrait le pied; on
aurait dit que nous nous trouvions dans le lit d’une
belle rivière, dont les eaux grossies par la pluie
avaient débordé. De distance en distance des troncs
d’arbres gigantesques, abattus par l’orage, venaient
croiser notre route, et former des ponts bizarres sous
lesquels il nous fallait passer. Nous avions parcouru
plus d’un mille dans ce canal mystérieux, interrogeant
en vain les alentours pour y découvrir des pirogues
ou quelques traces d’habitations, la nuit était
tout à fait noire, il fallut nous arrêter. Notre embarcation
laissa tomber son grappin. Nous ne pouvions
songer à sortir du canot, car la mer était haute, et la
forêt de palétuviers qui nous entourait était envahie
par les eaux; il était impossible d’allumer du feu pour
faire cuire nos aliments, nos habits étaient encore
mouillés par l’eau de la pluie, en un mot notre situation
était peu agréable. Une tente fut établie sur le
canot, nos matelots, resserrés par l’espace, s’étendirent
les uns sur les autres, et une heure après
notre arrivée, le silence éternel qui règne dans ces
tristes solitudes, n’était plus troublé que par le cri
du hibou, ou bien par le bruissement des eaux que
de forts courants de marée faisaient heurter contre
notre canot. Seulement au loin nous entendions le
son du gong annonçant que les pantomimes burlesques
des naturels que nous avions rencontrés n’étaient
point encore terminées, elles durent même se
continuer pendant toute la nuit et une partie du lendemain.
« Sans aucun doute toutes les îles Arrou furent,
à une époque peut-être assez rapprochée, séparées
les unes des autres par des bras de mer assez étendus
, et peut-être même assez profonds. Mais peu à
peu les palétuviers gagnèrent ces rivages ; ils prirent
pied dans ces eaux tranquilles et arrivèrent bientôt
, par leurs débris, à élever le terrain sur lequel ils
étaient nés. Ces conquêtes sur la mer devinrent d’autant
plus rapides que les détritus de ces premiers
venus aidaient la croissance des rejetons sortis de
leurs racines qui se sont multipliés à l’infini. Déjà
les canaux qui séparent Wakan de Trana, n’oifrent
plus que peu de profondeur, leurs rivages sont
formés par les palétuviers qui tendent constamment
à rétrécir leurs dimensions et ne tarderont
peut-être pas à les combler. Nous avions pour mission
de reconnaître ces parages , le peu de profondeur
des eaux que la sonde y accusa ne tarda
pas à nous convaincre qu’ils ne pouvaient être
d’aucune utilité pour la haute navigation. Nous en
avions parcouru la plus grande partie et ils nous
ramenaient dans l’Est lorsque nous songeâmes au
retour.
« Nos hommes, depuis la veille, n’avaient pu faire
cuire leurs provisions, nous leur devions un dédommagement
pour la résignation avec laquelle ils avaient
supporté toutes les privations de ces deux journées.
Aussi M. Coupvent résolut de les conduire vers le
premier village qu’il rencontrerait et où iis trouveraient
toute facilité pour préparer leurs vivres et
1839.
Avril.
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